article estheticienne.pro (14)

 

BONNE REPONSE : OUI

Oui, vous pouvez imposer un dress code dans votre institut. Mais pas n’importe comment… Décryptage.

Quelle tenue peut-on imposer à l’institut ?

Dans le langage courant, la définition du mot « tenue » est large. Elle peut aller d’une simple consigne (« toute l’équipe porte un bas noir ») au port obligatoire d’un élément vestimentaire (comme une blouse de travail), en passant par des recommandations diverses (« pas de bijoux », « obligation d’avoir les cheveux attachés » etc.). Que dit le Code du Travail ?

  • L’employeur peut imposer le port d’un vêtement particulier (voire : d’une tenue entière), à condition de le fournir à l’employé(e) et d’en assurer l’entretien et le renouvellement. Il convient de prévoir un nombre de tenues suffisants pour les différents jours de la semaine.
  • L’employeur peut également interdire les éléments vestimentaires qui ne respectent pas les normes d’hygiène en vigueur dans la profession ou menacent la sécurité de l’employé(e) ou de la clientèle.
  • Lorsqu’une tenue de travail est obligatoire, l’employeur doit prévoir l’habillage et le déshabillage sur le temps de travail de l’employée. Une seule exception : si l’employé(e) vient déjà habillé(e) sur son lieu de travail.

Autrement dit, il est interdit d’imposer l’achat d’une blouse ou d’un pantalon rose, mais vous pouvez en fournir un. Soit vous prévoyez une prime d’entretien chaque mois pour le salarié, soit vous lavez les tenues de travail à l’institut. Enfin, vous accordez un temps raisonnable (payé) pour l’habillage et déshabillage quotidiens, par exemple dix minutes. Vous pouvez également exiger que chaque esthéticienne arbore un badge avec son nom (fourni par l’institut) ou tout autre accessoire visant à signaler son appartenance à l’institut vis à vis des clients.

Concernant le respect des normes professionnelles d’hygiène en cabine, vous pouvez par exemple rendre obligatoire le port d’un tablier ou d’un masque lors de certaines prestations, ou l’utilisation de surchaussures dans les zones humides. Vous pouvez aussi exiger que l’esthéticienne ait des ongles courts et propres, des cheveux attachés, et ne porte pas de bijoux saillant risquant de blesser un(e) client(e).

Il vous appartient aussi de fixer les interdictions en raison de possibles accidents au travail, comme proscrire le port de tongs ou de talons hauts (risque de glisser).

Afin de pouvoir être opposable au salarié en cas de non-respect, il est conseillé de prévoir une rubrique dédiée à la tenue au travail, qui figurera dans le contrat de travail ou, s’il existe, dans le règlement intérieur de l’entreprise. Concernant les interdictions, vous veillerez à les motiver en mettant en avant les risques concernés (sécurité ou hygiène).

Les employé(e)s sont-ils obligés de porter « une tenue correcte » ?

La définition d’une « tenue correcte » n’existe pas dans le Code du Travail. Le principe général est la liberté vestimentaire, et toute restriction à cette règle doit être justifiée par des considérations de sécurité ou d’hygiène dictées par la nature de l’activité professionnelle, non discriminatoire, et « proportionnée au but recherché » (Code du travail, art. L. 1121-1). Autrement dit, l’employeur n’a pas son mot à dire s’il désapprouve les goûts vestimentaires de ses employés, sauf exception. Cependant, la jurisprudence reconnait aux employeurs le droit de sanctionner des salariés dont la tenue est manifestement inappropriée et porte atteinte à l’image de l’entreprise, lorsqu’ils sont en contact de la clientèle

L’obligation de respecter une tenue correcte semble aller de soi pour les esthéticiennes, qui sont censées représenter la beauté et l’élégance dans leur métier. Mais la définition même de la beauté et de l’élégance est une question d’appréciation personnelle qui peut être source de discorde, d’autant plus que la liberté reste le principe fondamental et que l’entreprise devra prouver que l’employée nuit à l’image de l’entreprise par son comportement vestimentaire, ce qui peut être difficile dans les faits. Pour éviter tout litige, la solution la plus simple consiste donc à fournir une tenue standardisée aux employées. A défaut, il n’est pas inutile de rappeler, dans le contrat de travail, que l’employée, de par son contact avec la clientèle, s’oblige à respecter une tenue propre et décente.

Quelle sanction pour l’esthéticienne ?

Ne pas porter la tenue fournie par l’employeur ou ne pas respecter les prescriptions vestimentaires ayant trait à la sécurité ou à l’hygiène sont des fautes professionnelles. Lorsque le contrat de travail comprend un volet sur la tenue vestimentaire (ce qui est conseillé), l’employeur peut d’abord décider de rappeler ces obligations à l’esthéticienne par écrit (lettre recommandée avec avis de réception). En cas de récidive(s), il pourra décider d’une sanction disciplinaire qui peut aller jusqu’au licenciement.

Dans le cas où il s’agit de sanctionner une tenue « non correcte », le reproche devra être fondé, factuel, non discriminatoire et précis.

Il est recommandé, en cas de litige, de consulter un avocat avant d’entamer une procédure – ce qui sera toujours moins onéreux qu’un procès perdu aux Prudhommes…

Peut-on interdire les signes religieux sur le lieu de travail ?

Comme pour les vêtements, le principe est également la liberté concernant le port de signes religieux, l’obligation de laïcité ne s’appliquant qu’aux fonctionnaires. Le Code du travail interdit d’ailleurs toute forme de discrimination au travail en raison de convictions religieuses – ce qui implique les sanctions et licenciements qui auraient pour motif le port de signes religieux. Par définition, vouloir interdire le port de signes religieux au travail est donc difficile (sauf pour des motifs de sécurité – mais comment le justifier pour une esthéticienne ?).

Cependant, l’entreprise a le droit de revendiquer une image de neutralité « globale » et d’y contraindre tous les salariés en contact avec la clientèle (et uniquement ceux-là)

Pour être recevable, cette obligation de neutralité doit concerner tout signe politique, philosophique ou religieux. Son champ doit être total (et pas uniquement religieux) et systématique. Il ne doit pas discriminer une religion en particulier, ni être fluctuant au gré des situations (par exemple, l’employeur ne peut pas interdire le port d’un signe religieux afin de satisfaire le souhait d’un client en particulier). Enfin, il est impératif de justifier la clause de neutralité – par exemple, par la nécessité d’accueillir une clientèle multiconfessionnelle.

Comment mettre en place une clause de neutralité dans l’entreprise ? Si le code du travail vous permet d’y recourir, il est important d’en respecter le formalisme pour que la clause soit opposable aux salarié(e)s en cas de litige. En pratique, l’obligation de neutralité ne peut être édictée à l’oral : elle doit être écrite, soit dans le règlement intérieur, soit dans une note aux employés soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur (article L1321-5 du code du travail). Pour vous assurer que cette clause est bien écrite, il est conseillé de demander un avis au préalable à l’inspecteur du travail, qui pourra aussi vous aider pour la mise en place du document (c’est aussi son rôle !).

 

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter estheticienne.pro

L'information professionnelle décryptée chaque semaine.