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Alors que le fond de solidarité souffle sa première bougie et qu’un troisième déconfinement est prévu le 19 mai, retour sur un an de pandémie. 

Un an depuis le premier confinement

C’est un anniversaire dont on se serait bien passé… Il y a un an, alors que le pays confiné était à l’arrêt, le gouvernement annonçait la mise en place du premier fond de solidarité, qui s’élève alors à 1500 euros pour toutes les entreprises. Pour la plupart des professionnels de la beauté, l’aide publique et le rebond d’activité à la sortie du confinement permettent d’amortir le choc. Mais l’automne voit l’épidémie repartir à la hausse. En novembre, le second confinement imposé aux commerces dits « non essentiels » fait souffler un vent de panique à l’approche des fêtes. Le fond de solidarité est alors revu à la hausse en catastrophe. Dans le secteur de la beauté, à nouveau à l’arrêt, les esthéticiennes et coiffeurs fermés, quel que soit leur statut, peuvent recevoir jusqu’à 10 000 euros durant la période de fermeture, selon leur chiffre d’affaires déclaré en 2019.

En janvier, le « quoi qu’il en coûte » est prolongé de deux mois pour le secteur S2, mais seulement pour les petites entreprises les plus impactées. Pour y prétendre, il faut désormais justifier d’une perte minimum de 50 % par rapport au chiffre d’affaire de 2019. Cette condition fait sortir la plupart des entreprises du secteur coiffure-beauté du dispositif. Pourtant, un couvre-feu à 18 H, qui prive les salons de leur précieuse clientèle d’après travail, est décrété. Et la mesure n’est pas sans impact sur le chiffre d’affaire ! Chez les coiffeurs, la technique s’arrête entre 16 h et 16H30, restreignant l’activité à la coupe. Dans les instituts, il en va de même avec les prestations à forte valeur ajoutée comme les soins du visage, l’esthétique du regard, la pigmentation. Selon les cas, les professionnels estiment perdre de 10 à 15 % de recette.

Un printemps 2021 difficile pour la profession

Vers mi-mars, les restrictions se durcissent au fur et à mesure de la reprise de l’épidémie. Dans seize puis dix neuf départements, de nouvelles fermetures administratives, d’abord partielles (le week-end) puis totales, sont ordonnées. Le 3 avril, tout le pays est concerné : durant « au minimum 4 semaines », seuls pourront rester ouverts les commerces dits « de première nécessité ». Aussitôt, toutes les fédérations montent au créneau de leurs ministères de tutelle pour tenter d’arracher la précieuse classification. Hélas, les espoirs sont vite douchés. Après quelques jours de flottement, le couperet tombe : ce sera oui pour la coiffure, non pour l’esthétique, qui partagent le même code d’activité 960.

A la stupeur succèdent l’incompréhension – puis la colère – de nombreuses esthéticiennes. Cette nouvelle fermeture est vécue comme une véritable injustice par la plupart des professionnelles, qui reçoivent leurs clientes une par une en cabine, désinfectent entre chaque passage et suivent des protocoles stricts avant, durant et après leurs prestations. Pour la première fois, des cris d’indignation fleurissent sur les réseaux sociaux. Le « mépris » dont la profession serait victime est pointée du doigt. … Mépris ou méconnaissance du métier ? Comparant leur situation à celle des coiffeurs, certaines esthéticiennes n’hésitent pas à souligner que ce sont principalement des hommes, moins familiers des instituts que des salons de coiffure, qui sont aux manettes des décisions administratives. Particulièrement mal choisi, le terme « non essentiel » agace. « On a mis tout en œuvre pour être présents au quotidien pour nos clients, qui pour la plupart évitent des séances de psy en venant chez nous. C’est contrariant de s’entendre dire qu’on n’est pas essentiels, qu’on est rien. Pour beaucoup, on est importantes, ils comptent sur nous, sur nos rendez-vous pour prendre une bouffée d’air. » explique une esthéticienne de Saint Junien dans le Populaire du Centre, soulignant la détresse qu’elle observe chez des personnes privées de tout lien social.

Une relance compromise ?

Si la protestation gronde, c’est également que les motifs d’inquiétude ne manquent pas. Ce nouveau confinement coupe net le départ de la saison, sapant le moral des professionnels de l’esthétique. Pour la seconde année consécutive, va -t-on rater le démarrage des cures minceur ? « Pour nos prestations, nous sommes tributaires de la météo : les jours perdus ne se rattrapent pas » souligne Anne, installée dans les Alpes Maritimes. Comme toujours, s’exprime aussi la peur que les clientes ne reviennent pas après ce nouveau coup d’arrêt. « Il y a une partie des clientes qu’on n’a pas revues à chaque réouverture. » remarque Claire, patronne d’un institut à Nîmes. Pour certaines, la relance serait menacée par ces « stops and go » à répétition. « Plus le temps passe, et plus les clientes prennent d’autres habitudes », explique Françoise, pourtant installée depuis vingt ans. A ces inquiétudes s’ajoutent le stress qu’induisent les tensions sur la trésorerie, alors que le fond de solidarité souffle sa première bougie. Pour quelques unes, la situation devient intenable. « Un mois, c’est le maximum » prévient une esthéticienne de Beaucourt interrogée par France Bleu. Pour elle, les aides et le chômage partiel n’y suffiront pas. « J’ai des charges, un prêt, j’ai changé de magasin. J’ai un loyer, une apprentie à payer. » Le mois à venir est la dernière épreuve supportable pour son entreprise. « Après c’est fini. » conclut-elle. Et elle n’est pas la seule à pousser un cri d’alarme.

Des situations contrastées

Pourtant, 158 milliards ont été dépensés en 2020 pour soutenir les entreprises, et l’état prévoit encore de dépenser 55.8 milliards d’ici la fin de l’année, promettant un arrêt « progressif » et non brutal des aides. Certes, dans le secteur de la beauté comme dans le reste de l’économie, les défaillances d’entreprises ont connu un net recul en 2020. Mais derrière ces bons chiffres se cachent certaines situations de détresses individuelles. En effet, les TPE de la beauté n’affrontent pas la crise sanitaire à armes égales. Si certains professionnels installés de longue date bénéficient d’une trésorerie saine et d’une clientèle établie qui leur permet de supporter les épreuves, il en va différemment pour ceux qui ont investi dans les cinq dernières années et doivent rembourser des crédits, avec un fichier client en construction et plus volatile. De même, les indépendants travaillant seuls s’en sortent souvent mieux que certains employeurs qui ont subi des baisses de chiffres d’affaires à même niveau de charges. Sans compter que le chômage partiel ne compense pas la totalité des coûts d’un salarié, comme par exemple ses congés payés. La nature de l’activité joue également un rôle prépondérant sur le maintien de l’activité. Les spas, touchés par l’interdiction des prestations en milieu humides, en font l’amère expérience. La localisation géographique génère d’autres inégalités. Victimes du télétravail, les instituts implantés dans les quartiers de bureaux ou dans les centres des grandes métropoles désaffectées subissent ainsi de plein fouet la crise sanitaire, alors même qu’ils payent les loyers les plus onéreux. Si certains ont pu bénéficier d’annulations d’échéances, d’autres affrontent des propriétaires sourds à toute réduction.

Espoir et menaces pour les semaines à venir

Très attendue, la réouverture des commerces « non essentiels » vient enfin d’être annoncée pour le 19 mai. Il était temps : l’acceptabilité, tout comme la capacité à résister, ne tenaient plus qu’à un fil chez de nombreuses esthéticiennes. Pour la première fois depuis un an, la reprise de la profession s’inscrira cette fois dans un cadre de déconfinement général de l’économie en deux mois, ce qui va soutenir l’activité. Cependant, la fin de l’état d’urgence signifie aussi la fin des aides. Ainsi, le chômage partiel va revenir au cadre général dès le mois de juin, avec une prise en charge réduite à 60 % du salaire brut, réservée aux secteurs protégés. Le fond de solidarité est également voué à disparaitre cet été, ainsi que l’a annoncé le Président de la république.

La sortie de crise va -t-elle s’accompagner d’une recrudescence des faillites ? Selon le cabinet Altares, les défaillances (tous secteurs confondus) ont explosé sur la deuxième quinzaine de mars, à + 155% par rapport à la même période il y a un an. De toute évidence, des aides au cas par cas seront nécessaires pour éviter que des entreprises saines ne ferment la porte. Conscient du problème, le gouvernement vient d’ailleurs d’annoncer un possible report d’un an pour le remboursement des prêts garantis par l’état, sur demande des chefs d’entreprises. Interviewé sur BFM tv, le Ministre de l’Economie Bruno Le Maire déclare également réfléchir à « étaler voire annuler  » la dette de certaines entreprises étranglées pour leur éviter le dépôt de bilan. Distribuée « au cas par cas », cette nouvelle aide serait réservée aux activités viables. Si les modalités exactes ne sont pas encore connues, l’annonce amorce un véritable virage dans la politique de soutien au secteur privé.

En attendant, comme lors des deux précédents confinements, le gouvernement promet que les commerces seront aidés jusqu’à la réouverture. Première étape : le fond de solidarité concernant le mois de mars 2021, disponible depuis le 22 avril, et qui concerne notamment dix neuf départements confinés. Si les critères d’éligibilité ont été ramené à 20 % de perte d’activité (au lieu de 50%), le montant attribué aux professionnels de l’esthétique fermés sera limité à 1500 euros (sauf pour le cas improbable d’une perte supérieure à 50%) : une enveloppe forfaitaire qui ne couvrira souvent pas les pertes correspondant à dix jours ouvrés de fermeture en plein démarrage de la saison. Qu’en sera -t-il pour le mois prochain ? A l’heure où nous écrivons ces lignes, le fond de solidarité du mois d’avril (attendu vers mi-mai) n’est pas encore officiellement connu. Selon les premières annonces, les règles d’attribution et les montants alloués devraient cependant suivre le modèle du mois de novembre.

 

 

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