En matière de législation du travail, des changements sont entrés en vigueur fin 2017. En effet, le gouvernement a obtenu du Parlement, fin juillet, l’autorisation de légiférer par ordonnances : une procédure tout à fait exceptionnelle. D’une part, les mesures préparées dans l’été par le Ministère du Travail ont été adoptées sans aucune modification, étant dispensées du traditionnel examen par l’Assemblée. D’autre part, leur application a pris effet dès le lendemain de leur adoption en Conseil des Ministres le 22 septembre 2017. Autant dire qu’il n’y aura eu ni discussion, ni amendements, ni retard. Quelles sont les réformes du Code du Travail qui concernent les esthéticiennes ? Avec les derniers décrets d’application parus fin décembre, les derniers détails sont désormais connus, notamment en ce qui concerne les modalités pratiques de certaines mesures. Sécurisation de la rupture du contrat de travail, fin du compte de pénibilité, négociation dans les entreprises : voici quelques nouveautés qui vont directement impacter les métiers de l’esthétique et que vous explique cet article d’esthéticienne.pro.
Sommaire
Sécuriser la rupture du contrat de travail
Les licenciements génèrent parfois de pénibles contentieux dans les très petites entreprises comme les instituts de beauté. En sécurisant la rupture du contrat de travail, le gouvernement souhaite diminuer le nombre de procédures pour vice de forme qui encombrent les tribunaux. L’idée sous-jacente est aussi de raccourcir les délais de passage aux Prudhommes, qui se comptent parfois en années et pénalisent employeurs comme employés. Quatre pistes ont été retenues :
- assouplir la procédure de licenciement
- mettre en place un barème de dommages-intérêts à verser au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse
- revaloriser les indemnités de licenciement
- raccourcir le délai dont dispose un salarié pour saisir les Prudhommes
Toutes ces mesures figurent dans les réformes du Code du Travail qui concernent les esthéticiennes.
La difficulté de licencier dans une TPE
Dans les grandes entreprises, des juristes spécialisés en Droit du Travail traitent les procédures de licenciement. Lorsqu’il faut licencier dans un institut de beauté, c’est plus délicat. Dans ces TPE de 1 à 5 employées, c’est souvent l’expert comptable qui prend en charge la rédaction des documents obligatoires. Mais dans la majorité des cas, la gérante affronte seule cette épreuve semée d’embûches. Or le licenciement est très réglementé en France, que ce soit au niveau du fond (c’est-à-dire le motif du licenciement) ou de la forme (c’est-à-dire le respect d’une procédure comportant plusieurs étapes). A ce titre, diverses obligations très précises incombent à la gérante d’un institut de beauté lors de la convocation à un entretien préalable de licenciement puis de la notification de la rupture du contrat de travail : délais d’envoi, informations à donner à la salariée etc. Par exemple, une simple mention obligatoire omise ou mal rédigée dans la lettre de licenciement peut constituer un vice de forme. Dès lors, la salariée peut entamer un recours pour licenciement abusif contre l’institut, et obtenir des indemnités conséquentes même si le motif du licenciement était parfaitement fondé.
Un modèle de lettre pour licencier
Parmi les réformes du Code du Travail qui concernent les esthéticiennes, la rupture du contrat de travail devait être simplifiée et sécurisée par un document prêt à l’emploi évitant les vices de forme, qui remplacerait la lettre de licenciement. L’annonce initiale parlait d’un document de type « cerfa » que les entreprises pourraient télécharger et remplir, comme ce qui existe pour les ruptures conventionnelles. Finalement, le 31 décembre, la Direction du Travail a mis en ligne plusieurs modèles de lettres qu’il convient d’adapter à chaque cas. Ce document est destiné à aider les employeurs et demeurera facultatif, la gérante gardant la possibilité de rédiger sa propre lettre de licenciement.
Télécharger votre modèle de lettre de licenciement ici
La possibilité de préciser le motif de licenciement
Jusqu’à la réforme, il n’était pas possible d’apporter un élément nouveau par rapport à la lettre de licenciement, une contrainte très forte pour l’employeur. En effet, tout motif de licenciement mal formulé, imprécis, incomplet, ou tout simplement difficile à prouver a posteriori pouvait justifier une procédure pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec de lourdes sanctions à la clé pour l’entreprise. Ce n’est plus le cas depuis les ordonnances Macron, puisque l’employeur peut désormais préciser ses griefs durant un délai de 15 jours après avoir notifié le licenciement au salarié, soit pour répondre à une question de l’employé, soit de son propre chef.
Un barème de dommages-intérêts
Les Prudhommes : la bête noire des gérantes d’instituts de beauté ! Et pour cause, un licenciement qualifié « sans cause réelle et sérieuse » pouvait jusqu’ici induire une condamnation salée, allant jusqu’à 6 mois de salaire à verser à l’ex salariée dès 2 ans d’ancienneté !.. Par ailleurs, ces dommages-intérêts étaient fixés à la discrétion du tribunal. Pour cela, les juges s’appuyaient sur des critères subjectifs comme la situation personnelle et familiale de la salariée licenciée, le fait qu’elle ait – ou non – retrouvé du travail, l’appréciation du caractère vexatoire du licenciement etc. Les condamnations étaient donc aléatoires et sources de variations d’une juridiction à l’autre. Trois changements sont apportés par la loi. Le premier va dans le sens d’une limitation des dommages-intérêts, qui ne pourront plus excéder 20 mois de salaires bruts. Le second changement réside dans l’obligation de se référer à un barème : désormais, les dommages-intérêts sont fixés en fonction de l’ancienneté du salarié (comme les indemnités de licenciement). Enfin, le troisième changement concerne les ruptures de contrats ayant duré moins de deux ans : la compensation due à la salariée licenciée abusivement sera comprise entre 15 jours et 1 mois de salaire brut. Cette mesure marque la fin de l’insécurité juridique qui pesait, telle une épée de Damoclès, sur chaque rupture de contrat de travail dans un institut de beauté : ex salariées comme employeurs connaitront en effet d’avance les montants en jeu dans l’éventualité d’une procédure (ce qui leur permettra aussi de négocier plus facilement sans passer par le tribunal). Ces montants sont les suivants :
- 1 mois de salaire si ancienneté inférieure à 2 ans
- 3 mois de salaire si ancienneté égale à 2 ans
- 1 mois de salaire par année d’ancienneté supplémentaire jusqu’à 10 ans
- 1/2 mois de salaire par année d’ancienneté supplémentaire au-delà de 10 ans
Ainsi, une esthéticienne salariée contestant son licenciement ne pourra prétendre à des dommages-intérêts représentant 6 mois de salaire qu’après 5 ans d’ancienneté.
Bon à savoir : les cas de harcèlement et de discrimination sont exclus de ce barème et les condamnations dans ces cas exceptionnels resteront à la discrétion des tribunaux.
Des indemnités de licenciement revues à la hausse
Les indemnités de licenciement sont fixées par la loi, sauf calcul plus favorable imposée par la branche professionnelle. Leur montant est fonction de l’ancienneté de l’employé. La Convention Esthétique n’ayant pas prévu de disposition particulière, c’est le barème général qui s’applique par défaut pour les métiers de la beauté. Avec la réforme du Code du Travail, l’indemnité de licenciement d’une esthéticienne est revalorisée : elle passe à 25 % d’un mois de salaire brut par année d’ancienneté, au lieu des 20 % appliqués jusqu’ici.
Raccourcir le délai légal pour saisir des Prudhommes
Pour finir sur le sujet des procédures aux Prudhommes, une quatrième mesure concerne les esthéticiennes : le délai légal dont dispose une ex salariée pour agir en justice après la rupture de son contrat de travail, qui était de deux à cinq ans ans, est raccourci à 1 an, quel que soit le motif du recours, ce qui revient à supprimer les cas particuliers (harcèlement, discrimination…) qui laissaient jusqu’à cinq ans à une ex employé pour saisir la justice.
La fin du compte de pénibilité pour les esthéticiennes
La mise en place du compte de pénibilité, qui devait s’effectuer en 2018 pour les petites entreprises, soulevait une levée de boucliers dans les TPE comme les instituts de beauté, mal armées pour faire face à cette nouvelle obligation. Finalement, la nouvelle loi Travail dispense les gérantes d’instituts de toute obligation, l’évaluation de la pénibilité devant être resserrée autour de quelques critères précis qui ne concernent pas les métiers de l’esthétique (travail de nuit, milieu hyperbare, températures extrêmes, horaires alternants de type « 3×8 »).
Bon à savoir : les esthéticiennes salariées pourront bénéficier d’un départ à la retraire anticipé quand une maladie professionnelle est reconnue avec un taux d’incapacité permanente à 10 % minimum. Cette évaluation sera faite par la Médecine du Travail.
La négociation sur l’organisation du travail autorisée dans l’institut
Dans les métiers de la beauté, les entreprises comptent souvent moins de 5 employées. Elles sont donc trop petites, sauf exception, pour disposer de délégués du personnel et recourir à la négociation sociale, jusque là réservée aux grands groupes disposant d’une représentation syndicale. Parmi les réformes du Code du Travail qui concernent les esthéticiennes, la mesure la plus novatrice concerne certainement la possibilité de signer des accords d’entreprise dans les instituts. Concrètement, cela signifie que la gérante peut proposer directement à ses salariées d’adopter un nouveau mode de fonctionnement plus conforme aux besoins de l’entreprise, comme par exemple un aménagement du temps de travail tenant compte de l’activité. En contrepartie, les esthéticiennes salariées peuvent aussi négocier des avantages nouveaux. Lorsqu’un consensus est atteint, un simple vote à la majorité des 2/3 des salariées suffit pour entériner l’accord, qui dès lors s’applique à toute l’équipe. Certains domaines restent cependant verrouillés au niveau de la branche professionnelle, notamment les salaires minimum (mais les primes pourront faire l’objet d’un accord d’entreprise), l’échelle de qualification, le choix d’un organisme de prévoyance.
Bon à savoir : les accords d’entreprise signés à la majorité ont force de loi et s’appliquent à tous les contrats de travail. Le refus de s’y conformer constitue un motif valable de licenciement.
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C’est très surprenant que les condamnations variaient autant en fonction des juridictions, et très décevant, à vrai dire. Je ne savais pas que les licenciements (abusifs) étaient un si grand sujet dans la communauté des esthéticiennes. On en apprend toujours !
Les juges aux Prudhommes ont l’obligation de faire respecter la législation du travail, notamment en matière de condamnations. Il y a donc des règles qui seront toujours appliquées, quelle que soit la juridiction. Mais plus ou moins sévèrement. Et c’est là qu’intervient le fond (c’est à dire, le contexte). Et là, l’appréciation peut être variable selon les cours… Les juges sont des professionnels élus, mais pas forcément des professionnels de l’esthétique. Et le problème que j’ai pu observer c’est que bien souvent, ils ne connaissent absolument pas le métier, ce qui ne facilite pas la compréhension des dossiers.
Bonjour,
Notre métier et passer dans le code du travail apparemment, nous n’avons donc plus de convention collective ?
Concernant les jours fériés je souhaite savoir sont t’il toujours payer plus ou récupérable. Si nous travaillons
Merci par avance de votre réponse.
Bonjour Sloane, merci de votre commentaire qui me donne la possibilité de bien confirmer que OUI, la Convention esthétique est toujours en vigueur et ne peut être contournée sur les points essentiels, à savoir : définition des compétences métier, coefficients et salaires, avantages liés à l’ancienneté, congés payés, maternité, formation professionnelle, organisme obligatoire de prévoyance. Soyez donc rassurée ! En fait, la seule possibilité de déroger à la Convention Collective est de signer un accord d’entreprise, ce qui devient possible dans les très petites entreprises, mais les salariées ne sont pas du tout obligées d’accepter ! En outre, il n’est pas possible de négocier sur tout (la liste énumérée plus haut fait partie des sujets NON négociables). Les changements votés peuvent en revanche concerner l’organisation du travail. A défaut d’un accord, donc, pour ce qui concerne le travail durant les jours fériés, voici les dispositions toujours en vigueur pour les esthéticiennes : travail possible 3 jours par an maximum, avec majoration obligatoire de 50 % du salaire. J’ajoute d’ailleurs que si ces heures de travail sont considérées comme des heures supplémentaires par rapport à une semaine de 35 heures, la rémunération doit aussi prendre en compte la majoration due à ce titre !