Aujourd’hui, notre zoom sur les services de beauté express nous emmène à la découverte des « Beauty Bars », qui fleurissent tous azimuts dans les trois principales chaînes de beauté (Séphora, Nocibé et Marionnnaud). Un véritable succès, qui se traduit par la diffusion du concept au plan national, après un test sur quelques magasins. Si bien que la communication de la distribution sélective s’est emparée récemment de ces nouveaux services de beauté. On se souvient de la campagne publicitaire de Marionnaud à l’été 2016, pour une pose de vernis ou un diagnostic de peau express en magasin. Cet automne, c’est Séphora qui diffuse à son tour des spots vantant les services minute de son « Brow Bar » (bar à sourcils). L’engouement récent que suscitent ces services express pose plusieurs questions qui intéressent l’esthéticienne. S’agit-il d’un simple phénomène de mode, ou bien d’un réel changement dans les habitudes de consommation beauté ? Ces services délivrés « sur le pouce » entrent-ils en concurrence avec l’offre des instituts classiques ? Le « Beauty Bar » serait-il à l’institut ce que le fast food est à la restauration, ou doit-il au contraire inspirer les esthéticiennes ? Le succès grandissant des services de beauté minute invite en tout cas à nous y pencher de plus près.

La multiplication des Beauty Bars dans la distribution sélective

Confrontée de plein fouet à une compétition grandissante venue de la distribution sélective, l’esthéticienne est directement impactée par la politique menée au sein de ces grands réseaux. Par ailleurs, il est toujours intéressant d’observer les nouveautés qui s’affirment du côté de la distribution sélective : champions du marketing, ces réseaux sont toujours à l’affût des nouveautés qui marchent et nous donnent un aperçu des tendances de marché. Parmi celles-ci, estheticienne.pro s’interroge sur la multiplication récente des « beauty bars ».

La mutation de la distribution sélective

Si le cœur de métier des chaînes telles que Séphora, Marionnaud ou Nocibé est la parfumerie, elles se sont de plus en plus diversifiées vers le créneau plus rentable des produits de beauté. En parallèle, elles exploitent des espaces de soins esthétiques qui viennent en concurrence directe avec l’institut traditionnel. Aujourd’hui, la distribution sélective, longtemps organisée selon les codes de la grande distribution, se trouve lancée dans une mutation profonde. Exit la course effrénée à la promotion, la lumière crue sur des linéaires impersonnels, et le modèle « cash and carry » où la cliente est livrée à elle même pour acheter. Depuis deux ans, une montée en gamme s’opère au contraire dans toutes les chaînes. Des changements qui se traduisent au niveau du cadre (plus cosy et plus luxueux), de la communication digitale (de plus en plus imaginative) et de l’investissement dans la relation clients (plus de service). Les « beauty bars » font partie de cette nouvelle stratégie.

Un service de beauté express, qu’est-ce que c’est ?

Comme son nom l’indique, il s’agit d’une prestation brève (10 à 30 minutes), et donc très ciblée (le teint, la peau, les ongles, le regard…). Le succès du concept tient en deux points : une disponibilité immédiate et un petit prix (de 5 à 20 euros). Voire même la gratuité lors d’opérations spéciales (Marionnaud offrait par exemple cet été un diagnostic de peau ou une pose de vernis minute aux porteuses de la carte de fidélité)… . Vous l’avez compris, ces prestations minute correspondent à des achats d’impulsion. Elles sont proposés sans rendez-vous aux clientes de passage et réalisés au sein même du magasin. Ces contraintes de temps, de confort et de prix réduisent bien évidemment les prestations possibles : le service de beauté express est centré sur le maquillage, les ongles, le bronzage ou le mini coup d’éclat visage. Dans les spots de communication, la cliente cible est une femme urbaine et active, qui utilise ces services pour une mise en beauté avant de sortir ou comme une pause détente après le travail entre copines.

Le concept des bars à beauté

Les services de beauté express sont proposés, pour ne pas dire « mis en scène », dans des bars à beauté installés en îlot au milieu de l’espace de vente. Citons par exemple chez Séphora, le « make-up bar » (un maquillage express des yeux ou du teint, tarifé 10 euros), le « skin care bar » (diagnostic et soin visage express + conseils, tarifés 20 euros), le « brow bar » (épilation et teinture des sourcils, pour 15 euros), la « Beauty Class » (auto maquillage et conseils, tarifés 20 euros), ou encore le voile bonne mine (pulvérisation d’autobronzant teinté sur visage et décolleté, tarifé 5 euros). De son côté, Nocibé a lancé les « Bellista », une gamme de services minute et sans rendez-vous à 7 euros seulement, comme la pose de vernis, le maquillage des yeux ou la pose de faux cils en frange. Et celles qui sortent pourront même profiter d’un lissage des cheveux sur le pouce, à 15 euros. Du côté de Marionnaud, on a mis en place un service de diagnostic de peau express et de « flash make-up » (maquillage minute). Il existe enfin des « bars à ongles » (pose de vernis à 10 euros) et des « bars à sourcils » proposant une épilation suivi d’un maquillage des sourcils (à 5 euros). Dernier né des services Marionnaud : le « Code Beauté ». Un tête à tête individuel et gratuit, de 10 à 20 minutes en magasin, avec une conseillère. Questionnée sur son mode de vie, ses goûts, ses attentes, la cliente reçoit par mail son « Code Beauté », une ordonnance personnalisée de produits de soin et de maquillage ainsi que des conseils beauté « rien que pour elle » concoctés par sa conseillère.

Beauty bars : une tendance vers davantage de services

Pour la distribution sélective, ces nouveaux services de beauté express, proposés à des prix symboliques et même, pour certains, gratuitement, sont des produits d’appel et de fidélisation de la clientèle. En d’autres mots, au delà de leur contribution au chiffre d’affaires, ce sont surtout des outils promotionnels au service d’une offensive marketing. Cinq objectifs sont plus précisément poursuivis par les enseignes :

1/ Endiguer la fuite des achats sur Internet

La part de marché croissante des achats sur Internet n’a pas épargné les produits de beauté, d’autant que de multiples tutoriels et blogs beauté sont là pour guider la consommatrice. Nul besoin, désormais, de se rendre en boutique pour connaître les tendances et les nouveautés. La consommatrice, surinformée via son smartphone ou sa tablette, consulte sans se déplacer conseils d’utilisation et comparatifs produits. Face à ces nouveaux comportements, la distribution sélective doit réinventer des arguments pour ne pas perdre une nouvelle génération de consommatrices actives, urbaines et pressées, qui achètent de plus en plus en ligne. En proposant des prestations de beauté express à prix modique, dans un cadre agréable, l’objectif des enseignes est clair : créer une expérience ludique pour faire (re)venir la consommatrice en magasin.

2/ Se démarquer de la concurrence

Dans un climat économique atone, la concurrence est rude. Pour se démarquer, les grands réseaux comme Séphora, Nocibé ou Marionnaud s’efforcent de capter l’intérêt des consommatrices en innovant sans cesse. Les services de beauté express, en particulier, constituent un moyen de se différentier. C’est pourquoi chaque enseigne lance « son » concept présenté comme exclusif (« Bellista » chez Nocibé, « Code Beauté » chez Marionnaud, « beauty bars » thématiques chez Séphora). On comprend que les services de beauté express soient de plus en plus utilisés dans des opérations publicitaires…

3/ Dynamiser la vente

Proposer un service de beauté express est aussi le prétexte à dynamiser la vente. L’idée sous-jacente : déclencher l’acte d’achat par une expérience concrète de certains produits. Avec son concept « Bellista », Nocibé propose ainsi des tarifs « sur place » ou « à emporter » pour certains articles (vernis, ombres à paupière, faux cils strass, lisseurs etc.). Au delà du clin d’œil à l’univers du fast food, l’objectif est de donner à la consommatrice la possibilité d’un test « grandeur nature » à tarif modique. Une conseillère beauté montre comment appliquer le produit, donne des conseils d’entretien et finalement rassure la cliente pour un futur usage à la maison. Avec le même objectif, certains services de beauté express sont créés pour participer à la promotion de lancement de nouveaux produits ou de partenariats de marque (Essie avec Nocibé, OPI et Benefit avec Séphora…).

4/ Repenser le processus d’achat

Les processus de consommation évoluent. L’époque du produit de beauté roi qui convient à toutes les femmes est terminée : place au « sur mesure » et à l’achat plaisir. Une nouvelle génération de femmes rejettent en effet le diktat des marques et de la publicité. Avec le concept des services express, les chaînes de beauté, qui ont capté cette tendance, replacent la consommatrice au centre du processus d’achat, en la chouchoutant comme une VIP. Avec le « Code Beauté », Marionnaud rompt ainsi avec les codes de la grande distribution et de la consommation « de masse » : la cliente est écoutée et valorisée, l’offre qui lui est présentée est totalement personnalisée.

5/ Changer d’image

Les « beauty bars » permettent à la distribution sélective de moderniser son image, alors qu’elle abandonne le modèle déclinant de « supermarché beauté » pour adopter un cadre plus cosy et plus chaleureux, et mise sur la relation aux clientes et le service. Malgré ses efforts, la distribution sélective reste centrée sur la vente de produits et peine à développer la prestation. Les clientes ignorent même parfois qu’il existe un institut de beauté au sein du magasin où elles se rendent régulièrement… En sortant certaines prestations de la cabine pour les mettre en valeur au cœur de l’espace de vente, les chaînes de beauté s’efforcent aussi d‘accroître la notoriété de leur activité esthétique, espérant intéresser un nombre croissant de clientes à des services beauté à plus forte valeur ajoutée.

Services de beauté express : opportunité pour l’institut ?

Un enjeu de taille

Les mutations que nous avons décryptées, concernant la distribution sélective, montrent deux choses. D’une part, que les chaînes de beauté misent désormais sur la prestation. D’autre part, qu’une montée en gamme s’opère, à travers, notamment, davantage de qualité de service. L’esthéticienne peut en tirer la conclusion que la concurrence des chaînes de beauté va s’accentuer au cours des prochaines années. Et que la pression subie par l’institut traditionnel, aujourd’hui centrée sur les produits de beauté, risque de se déplacer sur la prestation. C’est pourquoi il est primordial de se préparer à cette offensive, dont la multiplication des beauty bars est le signe. En effet, l’esthéticienne risque à terme de perdre des parts de marché dans la prestation, comme elle en a perdu dans la vente de certains produits (qu’on pense au maquillage…).

De nouveaux défis

Finalement, l’esthéticienne est confrontée aux mêmes défis que la distribution sélective : contrer la fuite des achats de produits de beauté sur Internet, se différencier face à une concurrence exacerbée (chaînes, parapharmacie…), coller à l’évolution des modes de consommation, développer des stratégies pour garder des consommatrices plus infidèles qu’autrefois, qui attendent toujours plus de service.  Les nouveaux services de beauté express font partie des outils que peut utiliser l’esthéticienne pour relever ces défis. Et contrer la distribution sélective.

Une révolution culturelle pour l’esthéticienne

S’ils constituent une opportunité et même peut être une nécessité,  les services de beauté express apportent aussi une petite révolution culturelle dans les instituts de beauté.

Repenser les codes de l’institut

A y regarder de plus près, les services minute ne se réduisent pas à des prestations identiques aux autres avec un format plus court. Ils cassent en fait deux codes majeurs de l’institut : l’intimité du soin et la relaxation de la cliente. En effet, la prestation beauté en institut est réalisée dans l’atmosphère feutrée d’une cabine, en position allongée, en tête à tête avec l’esthéticienne… Au contraire, le service de beauté express se déroule au cœur du point de vente, en pleine lumière, à la vue des autres clientes. Au « beauty bar », certaines clientes viennent même avec des copines… Dans tous les cas, c’est une nouvelle expérience de prestation beauté : « socialisée », interactive, en groupe. La notion de « confort de la cliente », si chère à la culture de l’esthéticienne, n’est pas la priorité. La cliente est généralement assise sur un tabouret haut adossé à un comptoir, justifiant l’appellation de « bar ». De même, l’intimité de la cliente avec l’esthéticienne, autre code fort de l’institut, se dilue dans le groupe. Car le but recherché est le partage d’expérience. Lorsque la prestation sur le pouce vise à faire découvrir un produit dont l’esthéticienne veut dynamiser la vente, l’objectif est que l’enthousiasme se communique, comme sur les réseaux sociaux, de manière à déclencher un acte d’achat « viral ». Cette conception de la prestation beauté est à l’opposé du fonctionnement de l’institut classique.

Adapter l’organisation

Alors que les esthéticiennes travaillent avec le carnet de rendez-vous, le principe du service de beauté express est le sans rendez-vous. Cependant, dans la pratique, proposer des prestations au pied levé peut être difficile à mettre en place, surtout pour celles (nombreuses) qui travaillent seules. Les publicités des grandes chaînes de beauté ne manquent d’ailleurs pas de mettre une réserve liée « à la disponibilité d’une conseillère beauté ». Pour autant, des solutions d’aménagement existent. Comme réserver à cette activité certains créneaux limités : la pause déjeuner de vos clientes, ou bien un horaire défini en fin de journée à la sortie du travail, ou encore une ou deux soirées par semaine. Voire quelques dates de temps en temps, annoncées par sms à vos clientes. Dans ce cas, le service de beauté express sera mis en avant comme une animation de l’institut, éventuellement à thème.

Aménager l’espace d’accueil

Mettre en place des services de beauté express invite enfin l’esthéticienne à repenser le découpage de l’institut, en dégageant un espace ouvert plus vaste et plus cosy au centre, afin d’intégrer la prestation au cœur même de l’accueil, et même de le mettre en scène. Il y a une quinzaine d’années, quand la pose de faux ongles est devenue à la mode, cette tendance s’est déjà amorcée pour faire de la place aux tables de manucure. Installer un « beauty bar » présente l’avantage de ne pas exiger beaucoup de place car il s’agit d’un ou plusieurs poste assis. Certains instituts misent sur un « vrai » bar, pour recréer un espace de convivialité dans l’esprit des services à la minute. Dans les instituts plus petits, un meuble de style « coiffeuse » ou une console avec un tabouret réglable en hauteur peuvent éventuellement faire l’affaire. Cette réflexion pour rééquilibrer l’espace entre l’accueil et la cabine devrait être menée systématiquement en cas de travaux d’installation ou de rénovation de l’institut.

Une évolution nécessaire

La plupart des esthéticiennes savent que le temps des cartes de soins figées est fini. Finie aussi l’époque (pour certaines bénie), où il suffisait, pour développer son institut, de proposer des prestations pré-fabriquées par sa marque visage et corps. L’esthéticienne doit désormais adapter régulièrement son offre et renouveler l’intérêt de ses clientes. Proposer des services de beauté express, notamment en édition limitée, constituent l’un des leviers que l’esthéticienne peut utiliser à cette fin, que ce soit pour se diversifier, proposer des nouveautés produits, dynamiser des périodes creuses ou coller à la demande saisonnière.

Les mêmes clientes, qui aiment manger au restaurant, consomment aussi du fast food de temps en temps, parce que c’est pratique, vite fait et pas cher. De la même façon, les services de beauté express viennent en complément d’autres prestations beauté plus « haut de gamme ». Ils répondent à des nouvelles habitudes de consommation « sur le pouce » que l’institut ne peut ignorer. Ils participent également à diffuser l’innovation (penser par exemple, à la mode actuelle des « bars à regard »). C’est pourquoi l’institut de beauté doit proposer ces services, sauf à laisser l’innovation à la distribution sélective et perdre d’emblée la compétition. Pire, l’esthéticienne risque alors de voir ses clientes, bombardées de publicité, tester ailleurs ces nouveaux services… et peut être ne pas revenir…

En conclusion, force est de constater que le métier d’esthéticienne est devenu ces dernières années plus complexe, et oblige à une certaine remise en question de modes de fonctionnement anciennement ancrés.  L’émergence de nouveaux services de beauté express, qui oblige l’institut à repenser non seulement son offre mais aussi son espace d’accueil et même son organisation, illustre bien cette évolution. Ce n’est pas ici que vous lirez que le métier d’esthéticienne est facile… Mais n’est-ce pas aussi ce qui en fait un métier si passionnant ?!…

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