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Le savez-vous ? Un soin pour la peau ou un produit de maquillage contient souvent plus de 90 % d’excipients. Pour autant, jusqu’à récemment, ces ingrédients de l’ombre intéressaient peu les consommatrices beauté. Toute l’attention était centrée sur les bénéfices produit – autrement dit, sur les principes actifs… Mais le désir de consommer plus sain pousse désormais un nombre croissant de clientes à s’intéresser aux étiquettes. A quoi servent les excipients ? D’où viennent-ils ? Quels défis posent-ils aux marques cosmétiques ? Ces questions doivent être maîtrisées par les esthéticiennes, confrontées à une clientèle de plus en plus informée – et suspicieuse. Voici tout ce que vous devez savoir sur les excipients.

A quoi servent les excipients dans un produit cosmétique ?

La réponse tient en une phrase : sans excipients, il serait tout simplement impossible de fabriquer un produit de beauté.

Sans excipients, impossible de créer les textures, parfums et couleurs qui rendent les cosmétiques attractifs. Mais leur rôle ne se limite pas à nous fournir des produits de beauté agréables à utiliser : les excipients assurent aussi – et surtout – la conservation des produits. Ils garantissent donc la stabilité, la sécurité et la longévité des cosmétiques, en conformité avec la réglementation. Enfin, les excipients permettent d’exploiter les propriétés des ingrédients actifs (rarement utilisables à l’état brut) ou d’en renforcer l’effet. Autrement dit, ils assurent indirectement l’efficacité des produits cosmétiques.

D’où viennent les excipients ?

L’excipient le plus courant est aussi celui qu’on retrouve en plus fort pourcentage dans la plupart des produits de beauté. Il s’agit tout simplement… de l’eau ! Les autres excipients peuvent être d’origine naturelle (minérale, animale ou végétale) ou élaborés chimiquement – on parle alors d’ingrédients de synthèse. Il n’est pas rare qu’une formulation cosmétique contienne plus d’une dizaine d’excipients différents. La plupart sont des ingrédients de synthèse – sauf dans les cosmétiques labellisés bio qui ont l’obligation de contenir au minimum 95 % d’ingrédients naturels.

Quelles sont les grandes familles d’excipients ?

Les excipients peuvent être classés en cinq grandes catégories : les corps gras et les émulsifiants, les tensio-actifs, les conservateurs, les parfums, et les colorants.  

Les corps gras et les émulsifiants

La plupart des cosmétiques sont fabriqués à partir d’un mélange d’eau et de corps gras. Autrement dit, ce sont des émulsions. Les crèmes, les gels, les laits, les gommages et les fonds de teint, par exemple, sont des émulsions. Les corps gras utilisés dans leur composition peuvent être d’origine naturelle, qu’elle soit animale (graisse de bœuf, huile de foie de requin etc.), végétale (huiles ou beurres extraits de fruits, noyaux, graines) ou minérale (huiles et cires dérivés du pétrole). Ils peuvent également être des ingrédients de synthèse, comme les silicones, appréciés pour créer des textures fondantes inégalées. Là où tout se complique, c’est quand certains d’entre eux peuvent être d’origine végétale ou dérivés de la pétrochimie en portant le même nom, comme la glycérine. Une précision qui n’apparait pas toujours sur les étiquettes… Quant aux émulsifiants ? Ils sont utilisés pour assurer l’homogénéité parfaite des produits (rappelons que l’eau et le gras ne se mélangent pas naturellement). L’excipient le plus connu pour remplir cette mission est- justement – la glycérine.

Les tensio-actifs

En cosmétique, les tensio-actifs sont utilisés pour leurs propriétés détergentes, moussantes et filmogènes. On les retrouve à coup sûr dans les produits d’hygiène (gels moussants ou shampoings, par exemple). Comme les corps gras, ils peuvent être naturels (à base d’huile de coco, de sucres, de glutamates), mais la plupart du temps, ils sont synthétiques – sauf dans la cosmétiques bio. Le plus utilisé par l’industrie cosmétique conventionnelle est le Sodium Laureth Sulfate. Efficace et peu onéreux, il est décrié comme substance irritante et allergisante.

Les conservateurs

Parmi les excipients les plus controversés se trouvent les conservateurs. Et pourtant, tous les produits cosmétiques contiennent des conservateurs, y compris les produits naturels ou bio. Et ce pour une raison simple : leur composition étant riche en eau (sauf exceptions), ils sont naturellement sensibles à la prolifération des bactéries et micro-organismes. Au-delà de quelques heures, tout produit cosmétique sans conservateur se transforme illico en bouillon de culture !

Pratiquement tous les conservateurs sont issus de la chimie. Jugés inévitables, certains parmi les plus doux sont autorisés par les labels bio. On les retrouve fréquemment dans les 5 à 10% d’ingrédients de synthèse autorisés. Parmi ceux-ci : le benzoate de sodium, l’alcool benzylique, l’acide formique, l’acide propionique, l’acide salicylique, l’acide sorbique. Seuls les rares cosmétiques ne contenant pas d’eau comme les huiles ne nécessitent pas de conservateurs, mais un simple stabilisant pour ne pas rancir, comme la vitamine E ou C.

Les colorants

Comme les conservateurs, les colorants sont pour la plupart chimiques (plus rarement : d’origine minérale) mais donnent de jolies textures pastel ou blanc immaculé aux produits cosmétiques. Certaines marques comme One Minute Manicure utilisent des colorants alimentaires, jugés plus inoffensifs.

Les parfums

Pour la plupart des consommateurs, l’application d’un produit de beauté est un moment sensoriel. Problème : la plupart des cosmétiques, naturellement, sont inodorants, ou pire, sentent mauvais. Difficile, donc, de trouver un produit cosmétique qui ne contient absolument aucun parfum. Si la cosmétique conventionnelle utilise généralement des senteurs d’origine synthétique, la cosmétique bio préfère les huiles essentielles, naturelles mais réputées allergisantes (rien n’est parfait !).

Que reproche-t-on aux excipients ?

La plupart des excipients aujourd’hui utilisés dans les formulations sont des ingrédients de synthèse, qu’il s’agisse des conservateurs, des parfums, des tensioactifs, des colorants, des corps gras ou des émulsifiants. Or, certains d’entre eux – encore couramment utilisés, comme le phenoxyethanol, les sels d’aluminium, le sodium laureth sulfate ou les silicones – sont régulièrement épinglés dans les media et par les associations de défense des consommateurs. Ils sont également blacklistés par les applications sur mobile permettant de disséquer les étiquettes, de plus en plus utilisées par les consommatrices beauté en point de vente – y compris en institut de beauté.

Parmi les griefs adressés aux excipients, on leur reproche leur nocivité présumée pour la santé, en tant que perturbateur endocrinien ou hormonal, ou comme potentiel agent cancérigène. Parfois, leur production fait appel à des procédés polluants qui sont de plus en plus mal acceptés par la société (ainsi en va-t-il du Sodium Laureth Sulfate, interdit par les labels bio). Enfin, certains ne sont pas dégradables et constituent autant de déchets non assimilables pour la nature, comme les silicones.

Vers de nouveaux excipients plus naturels 

Comme l’alimentation, le secteur cosmétique français vit désormais sous la surveillance permanente d’internet et des media, à l’affut de scandales à dévoiler. Alors que le tryptique « naturel – écologique- éthique » gagne du terrain auprès des consommatrices beauté, une pression sans précédent pousse les marques à éliminer les ingrédients les plus controversés.

Cette pression s’exerce également au plan juridique. Ainsi en va-t-il de l’interdiction récente par l’Europe de la plupart des parabènes. Jusqu’en 2014, ils étaient les conservateurs les plus utilisés en cosmétique. En France, où le principe de précaution est une valeur nationale, l’ANSM alerte de plus en plus les pouvoirs publics, comme on l’a vu récemment pour encadrer l’usage des nano particules ou interdire le phenoxyethanol dans les lingettes pour bébé.

Conclusion : bientôt une bataille concurrentielle sur les excipients ?

Durant de longues années, l’industrie cosmétique a utilisé des excipients faciles à synthétiser et peu onéreux à produire – la plupart étant issus de la pétrochimie. Pourquoi consacrer des moyens à développer des excipients plus naturels, alors que l’intérêt du public était centré sur les principes actifs ? Mais la société a évolué. Quelle marque peut se payer le luxe d’une dénonciation par 60 Millions de Consommateurs ou d’une mauvaise note sur Yuka ? D’un changement brusque de réglementation ? Ou, pire, de futurs recours judiciaires comme on a pu le voir dans d’autres domaines (qu’on pense à l’amiante) ?…

Que ce soit par vertu, par crainte ou par intérêt commercial, l’industrie cosmétique fait déjà sa révolution verte.

Depuis quelques années, la demande de produits bio ou naturels connait une croissance à deux chiffres. En 2020, toutes les grandes entreprises (l’Oréal, Unilever, Henkel) viennent de lancer de nouvelles lignes de produits pour se positionner sur ce marché. Or, ces géants de l’hygiène beauté disposent de moyens en R&D considérables. De quoi révolutionner rapidement la chimie des excipients pour toute la filière cométique – y compris pour les nombreuses PME du bio qui fournissent les instituts de beauté, et qui vont profiter de la disponibilité de nouveaux ingrédients verts plus performants pour améliorer leurs formules…

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