réforme du code du travail

Le secteur de l’esthétique est soumis à de fortes variations d’activité tout au long de l’année. Ainsi, il n’est pas rare de constater des écarts de chiffres d’affaires de l’ordre de 25 à 40 % entre la période « basse » (octobre – février) et la période « haute » (mars – septembre). A cette alternance saisonnière, s’ajoutent en plus des pics ponctuels en mai, juin, juillet et décembre. Dans ce contexte, les instituts qui emploient du personnel sont soumis à forte pression. En effet, la main d’œuvre constitue le plus gros poste de charges dans un institut, avec une enveloppe qui frôle voire dépasse 50 % du chiffre d’affaires. Ajuster les heures de travail à l’activité n’est donc pas un luxe, mais une nécessité absolue. D’une part, parce que les marges dégagées par les prestations ne permettent pas de financer une main d’œuvre inoccupée dans les moments creux – sauf à mettre en péril la viabilité des petites entreprises du secteur. D’autre part, parce que l’institut ne peut décemment refuser de la clientèle faute de bras, les pointes d’activité permettant de compenser les périodes de vaches maigres.

Pour autant, les contrats de travail saisonniers n’existent pas dans le secteur esthétique. L’été, les gérantes embauchent souvent à durée déterminée, avec le risque de voir certains contrats requalifiés en CDI à l’automne par les tribunaux, faute d’un motif légal valable. Dans le sillage des ordonnances Macron adoptées à l’automne 2017, de nouvelles opportunités intéressantes s’offrent toutefois aux gérantes d’instituts. En effet, deux mesures phares de la réforme pourraient sensiblement modifier l’organisation du travail pour faire face aux variations d’activité. Il s’agit, d’une part, d’un changement de la réglementation du contrat à durée déterminée; et d’autre part, de l’autorisation de signer des accords entre employeurs et employés dans les petites entreprises sans représentation syndicale. Deux points particulièrement sensibles des ordonnances Macron, que vous explique cet article d’estheticienne.pro.

CDD : un contrat très encadré

En France, le CDI est considéré comme la norme en matière de contrat de travail. Le recours au CDD doit demeurer exceptionnel, la loi considérant que les contrats courts engendrent de la précarité. Pour protéger les salariés, la législation a donc toujours encadré strictement le CDD, que ce soit sur le formalisme du contrat ou sur le fond, c’est à dire le motif qui le justifie. Dans les instituts, par exemple, les motifs légaux qui autorisent l’embauche d’une esthéticienne en CDD sont peu nombreux :

  • remplacement d’une employée absente (congé payé, maternité, parental, maladie)
  • événement spécial entrainant un surcroit temporaire d’activité

Précisons que le motif doit être clairement énoncé dans le contrat à durée déterminée, sous peine d’une requalification automatique en CDI, une sanction extrêmement lourde pour la gérante d’un institut. Par exemple, s’il s’agit de pourvoir le poste d’une esthéticienne absente, il est recommandé de préciser son nom et sa fonction dans le CDD de la remplaçante.

Bon à savoir : il est autorisé de conclure un CDD en attendant l’arrivée d’une esthéticienne qui a été embauchée en CDI, mais n’est pas disponible immédiatement.

En fait, le cas se corse lorsqu’il ne s’agit pas d’un simple remplacement mais de faire face à une recrudescence de clientèle à certains moments plus chargés de l’année. En effet, l’idée de « surcroit d’activité » ne résulte pas des aléas du commerce : elle doit être lié à un événement précis, extérieur au contexte économique général. Dans certains secteurs d’activité, il peut être aisé de trouver des motifs légitimes pour signer des CDD. Il peut s’agir de missions particulières pour laquelle les compétences n’existent pas dans l’entreprise, d’une grosse commande isolée à l’exportation etc. Mais pour les professionnelles de l’esthétique, c’est plus compliqué. Il faudra, par exemple, justifier d’une campagne de communication ou d’une opération commerciale spéciale générant un flux inhabituel de clientèle. Ou bien le lancement d’une prestation non suivie le reste de l’année, propre à accroitre ponctuellement l’activité. De manière générale, on voit bien que les motifs de recours au CDD sont plutôt limités dans un institut de beauté.

Vers un CDD saisonnier pour les métiers de l’esthétique ?

Les ordonnances Macron ont été conçues avec l’objectif de renforcer la compétitivité des entreprises, notamment des plus petites, en les libérant de contraintes inadaptées à leur contexte. Sur le sujet délicat du contrat à durée déterminée, un moyen terme a été trouvé en confiant non pas aux entreprises mais aux branches professionnelles le droit de déroger si besoin au cas général défini par le Code du Travail pour le CDD. Au vu du caractère saisonnier du marché, on peut donc être en droit d’espérer que dans un proche avenir, le cadre du recours au CDD soit totalement revu au niveau de la Convention Collective esthétique. En attendant, une alternative s’offre aux instituts depuis les ordonnances Macron : celle de signer des accords d’entreprise concernant l’organisation du temps de travail.

Annualiser le temps de travail par accord

L’annualisation du temps de travail consiste à alterner des périodes de pointe avec des horaires étendus et des périodes creuses de récupération, avec une rémunération identique toute l’année, sans heures supplémentaires. Cette possibilité, jusqu’ici réservée aux grandes entreprises, devient accessible aux professionnelles de l’esthétique en 2018, grâce aux accords d’entreprise.

L’autorisation des accords d’entreprise dans les instituts

Dans les ordonnances Macron, la mesure de loin la plus explosive concerne l’autorisation de signer des accords avec les salariés au sein des petites entreprises comme les instituts de beauté. C’est à dire, clairement, se passer de syndicats ou de délégués du personnel pour négocier directement. Désormais, une gérante peut donc librement consulter ses salariées sur de nombreuses questions ayant trait à l’organisation du travail (à l’exception de certains sujets réservés à la Convention Collective). C’est le cas de l’aménagement du temps de travail, qui peut maintenant être librement négocié entre les professionnelles de l’esthétique et leurs salariées.

Bon à savoir : pour qu’un accord soit adopté, il doit être voté à la majorité des 2/3 

Un outil simple à utiliser

Si le principe de signer des accords d’entreprise a été posé dès l’automne 2017, les modalités pratiques de consultation des salariés dans les très petites entreprises restaient floues. Ce n’est plus le cas depuis la signature du décret d’application le 26 décembre dernier. Avec une très bonne nouvelle pour les instituts : les formalités ont été réduites au strict minimum pour encourager les toutes petites entreprises à se lancer. Concrètement, il suffit de respecter 3 étapes :

  • rédiger un document présentant le projet d’accord aux salariés (15 jours avant la consultation),
  • recueillir un vote à bulletins secrets durant le temps de travail (attention, la direction ne doit pas être présente lors du vote, de manière à éviter toute pression)
  • Si le projet recueille 2/3 des voix, informer les salariés et transmettre une copie de l’accord à la Direction du Travail qui l’homologue (démarche simplifiée en ligne)

Une fois homologué, un accord d’entreprise fait force de loi pour tous les contrats de travail et s’appliquent de plein droit aux nouveaux salariés à l’embauche.

Bon à savoir : le refus par tout employé d’appliquer les dispositions d’un accord d’entreprise constitue une faute qui peut justifier un licenciement.

Organiser le temps de travail sur l’année

Pour les professionnelles de l’esthétique employant du personnel, les accords d’entreprise constituent donc désormais le moyen le plus simple, le plus sûr et le plus efficace de regagner de la compétitivité face aux variations d’activité. D’autant plus que l’accord peut laisser une grande souplesse d’application ensuite, au fil du temps, pour moduler les horaires de travail. Du point de vue des employées, l’annualisation du temps de travail est souvent bien accueillie car elle peut constituer une opportunité de concilier vie personnelle et vie professionnelle. Organiser le travail sur l’année signifie en pratique qu’on va recevoir un salaire constant tous les mois (sur la base de 35 heures par semaine) alors même qu’on peut ne pas travailler du tout à certaines périodes de l’année, qui peuvent par conséquent être consacrés à d’autres activités (se former, se consacrer à la vie de famille, voyager, réaliser un projet personnel…). Un rythme qui peut séduire certaines employées. En témoignent les nombreux accords d’entreprise qui existent déjà dans les plus grandes entreprises, où cet outil est utilisé avec succès depuis plusieurs années.

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