auto entrepreneur, les risques

Pour compléter leur activité à domicile, les free-lance en esthétique offrent souvent leurs services à des entreprises, ce qui est parfaitement permis. Conclure un contrat de service avec une esthéticienne en auto entrepreneur peut sembler séduisant à un salon, un spa ou un bar à ongles, qui recherche de la flexibilité pour coller aux aléas du marché. Contrairement à une salariée qu’il est toujours difficile de licencier, la gérante se figure qu’elle peut facilement mettre fin au contrat de l’esthéticienne auto entrepreneur si l’activité baisse ou que la free-lance ne donne plus satisfaction. Et le coût d’emploi d’une esthéticienne auto entrepreneur, dont les charges n’excèdent pas 23%, est généralement plus bas que celui d’une salariée… Toutefois, il ne faut pas confondre auto entrepreneur et employée d’appoint : des risques bien réels, et souvent méconnus, menacent l’institut ! En effet, le statut particulier de l’auto entrepreneur obéit à certaines contraintes, et la possibilité de requalification en contrat de travail, lors d’un contrôle URSSAF, est bien réelle ! En outre, la rupture du contrat avec l’auto entrepreneur peut s’avérer, dans ce cas, autant, voire plus ruineuse, qu’un licenciement… Quelles sont toutes les obligations à connaître si vous sous-traitez votre activité esthétique ? Quels risques court un institut qui fait travailler une professionnelle de l’esthétique sous le statut auto entrepreneur ? Quelles sont les principales erreurs à éviter ? Cet article soulève tous les points à ne pas négliger pour bien vous protéger et se termine par quelques conseils pratiques.

Ne pas confondre auto entrepreneur et employée d’appoint

Précisons d’emblée un point essentiel : l’existence d’un contrat de travail ne dépend pas de la volonté des parties mais des conditions de fait dans lesquelles s’exerce l’activité du travailleur. Autrement dit, peu importe que l’esthéticienne enregistrée comme auto entrepreneur cherche un revenu complémentaire dans une structure et que cette situation arrange aussi le salon. En cas de contrôle, même si les deux parties sont satisfaites de la situation, la requalification en contrat de travail que personne ne désire peut tomber… C’est pourquoi il me semble risqué, pour un institut de beauté, de recourir à une esthéticienne auto entrepreneur « généraliste », qui va assurer au fil des besoins toutes les prestations figurant au tarif du salon. En effet, avec l’usage, l’auto entrepreneur risque d’être confondue avec une employée et la ligne jaune sera alors franchie… Pour s’assurer qu’il n’est pas face à une situation de travail dissimulé, l’inspecteur de l’URSSAF, lors de sa venue, va d’abord rechercher des indices démontrant un lien de subordination entre la gérante de l’institut et l’auto entrepreneur : par exemple, des ordres et des tâches donnés au fil de la journée à l’auto entrepreneur et un planning d’heures de travail fixé par la gérante, un cahier de procédures à suivre, un matériel ou des produits à employer obligatoirement. Bref, toute preuve indiquant que la free-lance est en fait une employée comme les autres, qui fait le même travail, obéit aux consignes et est rémunérée à l’identique.

Prendre une esthéticienne auto entrepreneur, quels risques pour l’institut ?

La plupart des gérantes qui emploient des free-lance ignorent de toute bonne foi qu’à confondre auto entrepreneur et employée d’appoint, des risques bien réels de sanction menacent l’institut. Pourtant, les conséquences peuvent être lourdes et multiples :

  • risque de sanction pour travail illégal;
  • risque d’assumer les dommages causés par l’auto entrepreneur;
  • risque de pénalités lourdes s’il y a requalification en contrat de travail;
  • risque de devoir régler les cotisations sociales à la place de l’auto entrepreneur insolvable ou indélicat;
  • risque procédural qui peut naitre, en cas de contestation par l’auto entrepreneur d’une rupture du contrat;
  • risque pénal s’il y a condamnation pour travail dissimulé;

Le risque de sanction pour travail illégal

L’esthétique est une activité artisanale réglementée. Pour exercer à titre d’auto entrepreneur, il est impératif de justifier au minimum d’un diplôme du CAP esthétique. Comme il est toujours possible de déclarer une activité et d’en exercer d’autres, le salon qui recourt à une professionnelle de la beauté sera bien avisé de vérifier la qualification de l’auto entrepreneur. Par exemple, une prothésiste ongulaire sans CAP esthétique ne peut pas pratiquer des épilations ou une teinture de cils. En outre, certaines activités demandent des qualifications supplémentaires : le maquillage permanent, qui est une prestation très généralement sous traitée à des free-lance, exige par exemple de valider une formation spécifique « Hygiène et salubrité ».

Le risque en cas de dommage causé par l’esthéticienne auto entrepreneur

Tant que tout se passe bien, on oublie parfois de se poser les bonnes questions… comme par exemple celle-ci : Qui va payer en cas de dommage matériel ou pire, de dommage à la personne, occasionné par l’auto entrepreneur au salon ? L’esthétique, activité de soin à la personne, comprend des risques particuliers. Une cliente se retournera toujours contre l’institut ou le salon de coiffure à qui elle a payé la prestation, et non contre l’auto entrepreneur qui l’a exécutée. En revanche, l’assurance professionnelle de la gérante risque fort de refuser de payer pour les dommages occasionnés par une esthéticienne qui ne fait pas partie du personnel déclaré du salon. A fortiori si l’activité assurée est de la coiffure. Avant de sous traiter des soins à une professionnelle en auto entrepreneur, la gérante doit donc exiger que celle-ci lui présente une attestation d’assurance professionnelle en cours de validité, qui couvre les dommages qu’elle pourrait occasionner dans le cadre de son activité.

La requalification en contrat de travail

S’il faut s’attendre à un contrôle URSSAF tous les 4 à 5 ans, certains instituts subissent le passage inopiné d’un inspecteur inspiré par la dénonciation d’une ex salariée ou bien de l’auto entrepreneur elle même (lorsque la gérante met fin au contrat de service)… Suite à son enquête (consultation des registres, de la comptabilité, entretiens…), l’inspecteur peut estimer que l’esthéticienne auto entrepreneur qui travaille quelques heures par semaine à l’institut est en fait une employée non déclarée. Dans ce cas, il prononce une requalification en contrat de travail, ce qui entraine généralement des conséquences très lourdes pour l’institut au plan financier. Pour commencer, le salon est tenu de régler à l’auto entrepreneur tous les compléments de salaires comme les primes d’ancienneté ou l’indemnité de congé payé de 10 %, voire une rémunération complémentaire conforme au salaire conventionnel. En outre, L’URSSAF exige sur le champs les charges sociales sur toutes les sommes versées à l’auto entrepreneur depuis l’origine de la relation de travail, c’est à dire, parfois, plusieurs mois, voire plusieurs années de cotisations salariales ! En outre, l’entreprise sera certainement condamnée à verser des pénalités de retard et peut même être déchue de son droit à certains avantages comme la réduction Fillon : une facture totale (très) salée !

La solidarité avec l’auto entrepreneur

Même si l’esthéticienne auto entrepreneur est indépendante en théorie, la réalité est plus complexe : en fait, la gérante du salon qui recourt à une free-lance a l’obligation de vérifier que l’auto entrepreneur déclare bien tout son chiffre d’affaires et règlent ses cotisations sociales. Sinon, l’institut peut être sommé par l’URSSAF de régler les cotisations sociales (soit 23% du chiffre d’affaires) à la place de l’esthéticienne free-lance. Ce sera par exemple le cas si l’esthéticienne auto entrepreneur ne déclare pas toutes ses factures pour minorer ses charges ou se trouve dans l’incapacité de régler ses cotisations… Pour se prémunir de ce risque, la gérante de l’institut doit exiger que l’auto entrepreneur lui présente tous les 6 mois une attestation de vigilance qui sera conservée au salon en cas de contrôle. Ce document prouve que l’esthéticienne auto entrepreneur respecte ses obligations sociales (déclarations et versements).

Bon à savoir :  L’attestation de vigilance peut être téléchargée sur le site du RSI dont dépend l’auto entrepreneur. Pour y accéder, cliquer ici : lien.

Le risque d’une procédure au Prud’hommes

Lorsqu’il est mis fin au contrat par la gérante de l’institut, l’esthéticienne en auto entrepreneur peut se sentir lésée, d’autant plus que, contrairement à une salariée, elle ne peut compter ni sur une indemnité de licenciement, ni sur d’éventuelles allocations chômage. En cas de litige, si l’auto entrepreneur considère que la cause de la rupture est injuste, si elle a essuyé des reproches, si des promesses d’embauche n’ont pu être tenues, elle peut être tentée de se retourner contre l’institut en demandant une requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, après avoir obtenu du tribunal la reconnaissance qu’il existait de fait un contrat de travail. Dans ce cas, l’institut peut être condamné à verser un préavis, des indemnités de licenciement et des dommages-intérêts : une addition lourde, surtout si le contrat a duré dans le temps… 

Bon à savoir : il est conseillé de prévoir, dans le contrat de service à signer avec l’auto entrepreneur, une clause qui prévoit la modalité de rupture de ce contrat

Le risque pénal

Pour finir, il existe un risque de sanction pénale en cas d’infraction au travail dissimulé :

  • une amende pouvant aller jusqu’à 45 000 euros pour l’institut
  • une peine d’emprisonnement allant jusqu’à 3 ans pour la gérante (en cas de récidive)

Les 10 erreurs à ne pas commettre avec un auto entrepreneur

Comme nous l’avons vu dans cet article, les risques à recourir à une esthéticienne auto entrepreneur dans votre salon sont multiples, et les sanctions peuvent être lourdes si vous confondez auto entrepreneur et employée. Voici une liste d’erreurs ne pas commettre pour éviter une requalification en contrat de travail :

  • l’auto entrepreneur réalise (presque) tout son chiffre d’affaires avec l’institut, voire n’a aucun autre client, ce qui créé de fait une dépendance économique,
  • au quotidien, il existe un rapport hiérarchique évident entre la gérante et l’auto entrepreneur,
  • l’auto entrepreneur n’a aucune autonomie dans l’exécution des tâches,
  • les horaires et la durée des prestations sont imposés à l’auto entrepreneur,
  • l’auto entrepreneur fait exactement les mêmes tâches qu’une esthéticienne employée et sa rémunération est la même,
  • la facture de l’auto entrepreneur est calculée sur un nombre d’heures passées et non sur des prestations,
  • l’auto entrepreneur est une ancienne salariée en CDI ou en CDD, ou pire, elle cumule les deux statuts (salariée + auto entrepreneur)
  • l’auto entrepreneur utilise systématiquement le matériel et les produits de l’institut
  • la facture de l’auto entrepreneur est identique chaque mois
  • l’auto entrepreneur remplace clairement une salariée (ex : congé maternité) et son nom est inscrit sur le planning d’équipe

Quelques conseils si vous envisagez de recourir à une esthéticienne auto entrepreneur

Le statut de l’auto entrepreneur a pu créer l’illusion qu’il était désormais possible de contourner les lourdes contraintes d’un contrat de travail. Dans le secteur de l’esthétique, constitué de très petites entreprises confrontées tour à tour à des pics et des creux d’activité, il peut être spécialement tentant de recourir à une esthéticienne auto entrepreneur qui servira de « variable d’ajustement » et coûtera moins cher qu’une employée. Cet article vous aura convaincu que cette option peut être lourde de conséquences : l’auto entrepreneur n’est pas un employé, et les sanctions sévères qu’encourt un salon en cas de requalification en contrat de travail rappellent que l’employeur ne doit pas se soustraire à ses obligations en recourant à une sous-traitance déguisée de son activité. Alors, dans quels cas est-il judicieux de recourir à une esthéticienne auto entrepreneur et quelles précautions prendre ?

Un motif de sous-traitance légitime

Pour éviter l’écueil d’une requalification en contrat de travail, il me semble d’abord qu’un institut de beauté ne devrait recourir à une esthéticienne free-lance que dans le cadre de prestations techniques précises et définies, non pratiquées par les employées ou la gérante de l’institut, telles que :

  • le maquillage semi permanent
  • le stylisme du regard (extensions de cils et sourcils par exemple)
  • le relooking
  • certaines prestations minceur
  • la pose et l’entretien de faux ongles

En revanche, pour une entreprise qui a une activité non esthétique, par exemple un salon de coiffure, le risque de confusion avec l’activité des employées n’existe pas : il peut alors être légitime de sous traiter toutes prestations de soins ou de bien être à une esthéticienne. Dans ce cas, le motif du recours à la sous-traitance est tout trouvé : la compétence de l’auto entrepreneur, son matériel, ses fournitures, ne sont pas disponibles au salon et le contrat porte sur une prestation ponctuelle complémentaire de l’activité principale !

Un contrat de services écrit

Pour éviter toute confusion, il est très recommandé de signer un contrat de sous traitance écrit avec l’esthéticienne auto entrepreneur. Ce contrat permettra de poser le cadre de la sous-traitance (parties, prestations, prix, modalités de rupture etc.) et sera produit en cas de passage d’un inspecteur de l’URSSAF pour prouver votre bonne foi. Il vous protège. Il est donc très important de prendre un petit moment pour bien le rédiger (se faire éventuellement aider par le service juridique de votre expert comptable). En plus du motif de recours à la sous traitance, il doit mentionner, entre autres, les points vus dans cet article, et notamment : que l’auto entrepreneur reste libre de ses horaires et consacre une part de son activité mensuelle auprès d’autres clients (qui seront nommés) ou s’engage à  prospecter activement pour en acquérir, qu’elle est libre de la technique cabine utilisée pour la ou les prestations mentionnées et travaille avec son matériel et ses fournitures. Il doit être indiqué qu’une facture sera éditée mensuellement, en fonction uniquement du nombre de prestations fournies (et surtout pas au temps passé !…). Les modalités et délais de règlement doivent être mentionnés. La free-lance doit aussi  promettre contractuellement d’assurer les dommages qu’elle pourrait causer au titre de son activité et de fournir une copie d’un contrat d’assurance professionnelle. Elle doit enfin s’engager à respecter ses obligations sociales et produire une attestation de vigilance tous les 6 mois, sous peine de résiliation du contrat.

Constituer un dossier

Vous sous-traitez certaines prestations à une esthéticienne auto entrepreneur ? Je vous conseille de constituer un dossier que vous conserverez en cas de contrôle inopiné au salon et que vous pourrez utiliser comme pièce maitresse si l’auto entrepreneur intente une procédure contre le salon. D’autre part, l’existence de ce dossier donnera une impression plutôt favorable à un éventuel inspecteur URSSAF. Vous y garderez votre contrat de sous traitance, les factures de l’auto entrepreneur, le certificat d’assurance et l’attestation de vigilance.

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