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Retardé en mai 2021 en raison de la crise sanitaire, le MDR est le nouveau règlement Européen qui transforme la plupart des appareils esthétiques en dispositifs médicaux (si vous avez raté notre article sur le sujet, vous pouvez vous rattraper en suivant ce LIEN 😉). Le MDR est-il une bonne nouvelle pour les esthéticiennes ? A vous d’en juger ! Pour vous aider à y voir plus clair, voici trois arguments pour – et deux arguments contre.

« Pour » : La fin de l’insécurité juridique

Depuis les années 2000, le secteur esthétique a connu une véritable révolution technologique sans que les lois n’évoluent. Souvenez-vous des procès autour de la lumière pulsée : le (fameux) décret discuté devant les tribunaux datait de 1962 ! A cette époque, où les premières écoles d’esthétique voient le jour, il ne s’agit pas d’interdire une pratique aux esthéticiennes mais au contraire de protéger l’accès à la profession. Cinquante ans plus tard, faute de nouvelle loi, le décret va ironiquement se retourner contre les instituts de beauté, sommés par les juges de se cantonner à « l’épilation à la cire ou à la pince ».

L’exemple de la lumière pulsée vaut aussi pour la plupart des techniques utilisées aujourd’hui pour les soins experts visage et corps : faute de législation, les esthéticiennes exercent depuis près de vingt ans sans référentiel, sans visibilité et souvent, sans assurance. L’argument principal en faveur du MDR est de poser le premier cadre légal à la reconnaissance des nouvelles technologies en institut de beauté.

En 2021, la clientèle est de plus en plus exigeante et réclame l’accès aux nouvelles technologies qui révolutionnent le traitement des poils, les soins cutanés et la lutte contre les capitons. Si pour certains pays, cette évolution s’est déjà effectuée sans heurt, les esthéticiennes françaises doivent affronter sans armes l’opposition systématique du lobby médical.

Ce n’est qu’en 2016 que les premières études d’impact sur la santé sont menées par l’ANSM sur des technologies pourtant pratiquées chaque jour dans les instituts depuis des années (comme la lumière pulsée ou la cryo-esthétique). Malgré un rapport encourageant, admettant que les accidents (heureusement rares) surviennent autant dans les cabinets que dans les instituts, on attend toujours un assouplissement réglementaire en 2021…

Sur quelle base repose le (sempiternel) conflit entre médecins et esthéticiennes ? Les médecins avancent (à raison) que les appareils high tech utilisés en cabine sont dérivés de technologies médicales (dont ils considèrent avoir le monopole). Les distributeurs rétorquent (à raison aussi) que leurs appareils n’ont aucune vocation thérapeutique, et que leur usage ne revient donc pas à exercer illégalement la médecine.

Avec le MDR, le législateur Européen a tranché. Désormais, nul besoin d’une référence à la santé pour classer un appareil « dispositif médical » : le MDR ne se focalise pas sur la finalité de l’appareil, mais simplement sur la technologie qu’il utilise. Le nouveau règlement européen pose ainsi un principe révolutionnaire : un dispositif dit « médical » n’est pas forcément destiné à effectuer un acte thérapeutique. Il n’est donc pas réservé de fait aux professionnels de santé.

Il s’agit d’une immense avancée pour les esthéticiennes Françaises, qui obtiennent implicitement le droit légitime, comme tout autre secteur d’activité, de profiter des dernières technologies.

En France, où les tribunaux tranchent systématiquement en faveur des médecins, il s’agit d’un changement complet de doctrine. Rappelons par exemple que si les esthéticiennes françaises peuvent enfin utiliser la lumière pulsée, c’est grâce à la Cour de Justice Européenne qui, rappelant le principe de « libre concurrence », a contraint le Conseil d’Etat à casser l’arrêt de 1962.

En régulant le marché des appareils esthétiques, le MDR constitue le nouveau socle juridique qui va sécuriser l’avenir de la profession, permettant enfin aux esthéticiennes d’investir sereinement.

« Pour » : Des appareils esthétiques plus performants et plus fiables

En choisissant de ne pas interdire l’accès aux nouvelles technologies, le législateur a aussi voulu poser des garde-fous : tout appareil classé « DM » devra être déclaré et homologué par un certificat de conformité Européen.

Pour l’obtenir, les fabricants auront à prouver que leurs matériels remplissent des critères précis de fiabilité et de sécurité. Ils subiront des audits réguliers d’organismes indépendants. Ils auront aussi des obligations renforcées de suivi des incidents, d’amélioration des matériels et de formation des esthéticiennes. Ces nouvelles exigences vont naturellement disqualifier certains fournisseurs peu sérieux au niveau de la qualité de fabrication et du service après vente.

Mais ce n’est pas tout. Pour être autorisé sur le marché, un dispositif médical est évalué sur un rapport « bénéfice-risques ».  Autrement dit, les appareils « gadgets » pourraient être refusés par les commissions.

En voulant protéger le consommateur final, le législateur protège donc aussi, de fait, les professionnels de l’esthétique qui s’endettent souvent sur plusieurs années pour financer l’acquisition d’un appareil. La bonne nouvelle pour les esthéticiennes est que le MDR va assainir le marché des appareils esthétiques, en éliminant les matériels peu fiables, peu performants et déceptifs. 

« Pour » : une plus grande transparence

Comment juger si un appareil esthétique tient les promesses alléchantes avancées par son fabricant ? L’entrée en vigueur du MDR va soumettre les marques à l’obligation d’effectuer des études cliniques – autrement dit, réaliser des tests scientifiques pour prouver leurs performances. De plus, les résultats de ces études seront rendus publics sur le portail Européen Eudamed dès 2022. Ainsi, toute esthéticienne, avant d’acheter, pourra vérifier en ligne les allégations des fournisseurs.

Le 3 ème argument qui plaide pour le MDR est la transparence accrue qui va prévaloir sur le marché. 

« Contre » : Des appareils plus chers ?

La nouvelle certification impose des procédures longues et coûteuses aux fabricants. Sa complexité peut effrayer les plus petites marques, qui n’auront pas forcément de « personne référente » qualifiée à désigner, comme les y oblige la loi, ni le budget à consacrer à cet investissement. Comment sera répercuté le coût de la certification Européenne sur les prix des appareils esthétiques ? Le MDR ne risque -t-il pas de décourager les nouveaux entrants et de créer un entre soi entre grande marques ? Tous ces risques sont réels.

Dans un premier temps, la mise en conformité des gammes va créer une tension sur les fournisseurs, plutôt mal venue après deux saisons de crise sanitaire. Pour autant, le marché dispose de trois années pour se mettre totalement aux normes, ce qui laisse un peu de temps pour « absorber » la réglementation. Certains fournisseurs décideront de raccourcir leurs gammes, refusant d’homologuer à grand frais des appareils peu vendus. Cependant, le marché restant très concurrentiel, il est peu probable qu’on assiste à une véritable explosion des prix.

« Contre » : moins d’innovations ?

Le coût de la mise sur le marché pourrait-il freiner l’innovation ? En plus du budget conséquent consacré à l’homologation, le temps de certification d’un nouvel appareil pèsera aussi sur les décisions de développement des fabricants. En fonction de la complexité du cahier des charges imposés aux fournisseurs, notamment en ce qui concerne les tests cliniques, certains fabricants pourraient restreindre les nouveautés et allonger le cycle de vie des appareils.

Le MDR aura -t-il pour conséquence de « faire durer » les technologies ? On peut sans doute s’attendre à un apaisement du marché, après vingt ans de course à la nouveauté.

 

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