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Lumière pulsée : de nouvelles obligations pour les instituts pourraient bientôt voir le jour, après le rapport de l’ANSES publié le 9 septembre 2021. Faut-il s’en inquiéter ?

Après l’arrêt de la Cour de Justice Européenne, le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation Française n’ont eu d’autre choix que de confirmer la fin du monopole des médecins sur l’usage de la lumière pulsée. Quinze ans après l’ouverture du marché, un nouveau texte est donc maintenant attendu pour réguler cette pratique.

S’il n’a pour l’instant aucune valeur juridique, le rapport rendu par l’ANSES à la demande de la Direction générale de la Santé fournit quelques éléments de réponses sur les grandes orientations que pourraient prendre la future législation.

Celles-ci sont au nombre de quatre : davantage de contraintes pour les fournisseurs de matériels, une formation pour toutes les personnes amenées à pratiquer la lumière pulsée (qui vise essentiellement les esthéticiennes), un référentiel de bonnes pratiques, et une information obligatoire aux consommateurs.

« Il est nécessaire de mieux encadrer le marché des appareils et l’utilisation de cette technologie pour en limiter les effets indésirables », a déclaré Rémi Poirier, responsable de l’ANSES, dans un communiqué, rappelant que la dépilation n’était « pas un acte anodin ».

Quels sont les changements à prévoir dans la filière esthétique ?

Une classification des appareils IPL en dispositifs médicaux (« DM »)

L’ANSES estime que les appareils à lumière pulsée entrent dans le champ des appareils de catégorie 3 nécessitant un marquage « CE médical » selon le nouveau règlement Européen entré en vigueur le 26 mai 2021. Autrement dit, tout nouvel appareil mis sur le marché devra satisfaire des normes minimum de qualité et de traçabilité, et se soumettre à des tests cliniques.

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Qu’en est-il des appareils actuellement sur le marché ?

La démarche de certification, longue et coûteuse, est déjà en cours ou achevée chez de nombreuses marques, les fabricants ayant anticipé l’arrivée de la nouvelle réglementation. En effet, il ne faisait guère de doute que les lampes flash, dans le viseur des autorités depuis plusieurs années, seraient classées DM.

Reste que le cahier des charges pourrait se durcir.

Parmi ses recommandations, l’ANSES préconise en effet que les appareils mis sur le marché français sachent analyser la pigmentation de la peau de manière à « s’auto brider » et soient équipés d’un système de détection empêchant tout tir accidentel en absence de contact avec la peau (ceci afin de prévenir de potentielles brûlures oculaires). Si un tel niveau d’exigence peut être compréhensible pour les lampes flash vendues au grand public, il en va différemment des appareils professionnels.

En effet, les esthéticiennes sont des spécialistes de la peau formées à reconnaitre un phototype. D’autre part, la pratique de leur métier exige d’appliquer de nombreuses mesures élémentaires de protection pour un grand nombre de prestations : port de lunettes, de gants, de masques…

Le faible nombre d’accidents relevés, alors que la lumière pulsée se banalisait, n’est-il d’ailleurs pas la preuve que les appareils IPL actuellement commercialisés sont adaptés à la pratique en institut de beauté, sans qu’il soit besoin d’ajouter des caractéristiques supplémentaires obligatoires (et coûteuses) ?

De manière générale, la sécurité des appareils a beaucoup évolué en quinze ans (meilleurs systèmes de refroidissement, gestion des flashs optimisée, programmes faciles à utiliser…). Par ailleurs, la nouvelle législation sur les dispositifs médicaux est déjà très contraignante, puisqu’elle oblige tout fabricant à démontrer que les appareils esthétiques mis sur le marché sont fiables et stables (avec un bilan « avantages/risques » positif).

Comment savoir si l’appareil à lumière pulsée que vous utilisez est conforme, et que fournir à la DGCCRF en cas de contrôle ?

Tout appareil classé « DM » acheté en France, comme la lumière pulsée, doit désormais être accompagné d’un certificat CE (et bientôt, d’un marquage obligatoire) délivré par le fournisseur. Jusqu’en 2026, plusieurs types de matériels seront commercialisés : des appareils bénéficiant d’un « CE directive » (en cours d’obtention de la nouvelle norme) et d’autres ayant déjà le « CE médical » selon le nouveau règlement. Dans les deux cas, le certificat délivré par le distributeur est valable, et sera à présenter en cas de contrôle.

Les esthéticiennes s’étant équipée avant le 26 mai 2021 ne sont pas concernées par cette obligation : elles devront seulement présenter une facture de leur fournisseur, prouvant que la date d’achat de l’appareil est bien antérieure à l’entrée en vigueur du règlement européen.

Une formation obligatoire pour les esthéticiennes qui pratiquent la lumière pulsée

Recensant les effets indésirables par niveau de gravité, le rapport de l’ANSES identifie trois catégories de risques :

  • les douleurs/érythèmes/brûlures en raison de flashs mal adaptés à la peau ou au poil
  • les lésions oculaires faute de protection
  • l’exposition à la lumière de lésions précancéreuses

Le comité d’experts recommande une formation obligatoire pour que chaque praticien comprenne le fonctionnement de la technologie, connaisse les précautions d’emploi (notamment, le port de lunettes de protection pour elle même et son client) et surtout, puisse identifier les cas où la consultation d’un dermatologue s’impose avant de flasher.

Dans les faits, la filière esthétique n’a pas attendu le législateur pour s’organiser.

Aucun fabricant ayant pignon sur rue en France ne vend aujourd’hui d’appareil à lumière pulsée  sans une formation « obligatoire » à l’esthéticienne, où sont notamment abordées les contre indications médicales et les précautions à prendre. La plupart des formations de marques ont d’ailleurs été élaborées avec le concours de médecins qui, bien avant la légalisation de la lumière pulsée, ont accepté de travaillé avec la filière esthétique.

Que changera une législation sur ce sujet ?

Tout d’abord, la formation obligatoire sera un garde-fou : plus question d’acheter un appareil d’occasion (ou à l’étranger), et de pratiquer sans avoir été formée. On peut également espérer au minimum que ces formations soient réservées à des esthéticiennes diplômées d’état.

De plus, l’arrivée d’un texte permettra l’élaboration d’un référentiel commun de formation, qui sera à la fois un guide pour les distributeurs de matériel (qui jusque là ont dû se débrouiller seul et en assumer les risques) et un gage de qualité pour les esthéticiennes (toutes les formations « labellisées » étant par nature équivalentes dans leur contenu).

Ensuite, le caractère officiel de cette formation la rendra automatiquement éligible à une prise en charge par les OPCO ou le FAFCEA, au même titre que la formation « UV » ou la formation « hygiène » en maquillage permanent. Un avantage financier pour les esthéticiennes.

Au final, la filière esthétique y gagnera davantage de crédibilité vis à vis des clientes : seules les personnes « compétentes » seront habilitées à exercer. Comme pour les UV,  une attestation devra vraisemblablement être affichée en cabine.

Un référentiel professionnel concernant la dépilation par lumière pulsée

Dans son rapport, l’ANSES propose de légiférer sur les « bonnes pratiques » professionnelles concernant la lumière pulsée. Rien de très nouveau pour les esthéticiennes, qui sont déjà formées à respecter ce protocole par leurs fournisseurs :

  • porter des lunettes de protection (pour les opérateurs) et des coques de protection (pour les clients) (celles ci seront systématiquement fournies avec les appareils)
  • ne pas traiter les zones proches des yeux (notamment : les sourcils)
  • ne pas flasher plusieurs fois la même zone dans une même séance
  • traiter uniquement un poil rasé afin de limiter les risques de chauffe
  • laver la zone à épiler pour éviter toute interaction indésirable avec des substances présentes sur la peau
  • espacer les séances d’au moins un mois
  • ne pas faire usage de produits anesthésiants

Toutes ces recommandations pourraient être reprises dans le futur référentiel de formation obligatoire.

Un consentement éclairé pour les clients

Dernière recommandation de l’ANSES : rendre obligatoire la signature d’un « consentement éclairé », qui devra notamment répertorier les effets indésirables potentiels de la dépilation par lumière pulsée.

Ce document, que l’institut devra faire signer par tout client et conserver, aura le mérite de prouver qu’une information exhaustive a bien été donnée, notamment en ce qui concerne les contre indications et les « bonnes pratiques » à adopter avant et après toute séance de dépilation (comme ne pas s’exposer au soleil).

Il aura également le mérite de contrer la mauvaise foi de certaines personnes qui cacheraient des informations personnelles les rendant inéligibles à cette prestation, puis refuseraient d’en assumer les conséquences. Dans une société qui a tendance à se « judiciariser », l’existence d’un document écrit, en cas de conflit, constitue la meilleure protection.

Consciente de ce risque, de nombreuses professionnelles ont d’ailleurs mis au point des « consentements éclairés » faits maison.

Une loi sur l’information au consommateur présentera un avantage : la responsabilité de définir un modèle de texte incombera désormais au législateur, et non aux instituts de beauté ou aux fabricants de matériels.

La nécessité d’un encadrement

La bataille judiciaire remportée par la profession auprès des instances Européennes oblige maintenant le législateur français à s’adapter. L’arrivée d’un texte réglementaire concernant la lumière pulsée était donc prévisible, la consultation de l’ANSES constituant l’étape préalable à sa préparation.

Pratiquant depuis des années dans l’illégalité, la filière esthétique a dû s’organiser. La quasi totalité des fournisseurs ont mis en place des formations sérieuses, et la plupart des bonnes pratiques préconisées par l’ANSES sont en fait déjà appliquées dans les instituts de beauté proposant la dépilation par lumière pulsée.

Si certains regretteront l’arrivée d’une nouvelle législation forcément plus contraignante, rappelons que pratiquer hors de tout cadre comprend un revers de la médaille : l’incertitude juridique qui pèse au final sur le professionnel. Pour beaucoup d’esthéticiennes, l’absence de législation se traduit par exemple aujourd’hui par la difficulté à être bien couverte – la plupart des assurances refusant d’assumer un risque mal connu et mal encadré. Or,  » même si les accidents sont rares, les dommages peuvent résulter en de lourdes conséquences financières. » pointe l’assureur Didier Sendrès du cabinet Esthetic Assur, spécialisé dans les nouvelles technologies esthétiques dont la dépilation.

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