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Elles travaillent, font du sport, voyagent et vont sur les sites de rencontre. Les femmes de 50 ans et plus ont bien changé ! Et elles sont de plus en plus nombreuses parmi la clientèle de l’institut. Confrontées à des changements physiologiques, elles attendent une prise en charge de leurs besoins à l’institut. Comment les accueillir avec leurs spécificités ? Du 7 au 9 octobre prochains se tiendra le premier colloque consacré à la ménopause destiné à des esthéticiennes. L’occasion d’interviewer Florence Ansar, fondatrice de Physiobell, à l’initiative de cet évènement.

Pourquoi choisir de parler de la ménopause ?

Étant moi même en pré-ménopause, je me suis rendu compte qu’il s’agissait d’une période compliquée à vivre. Or, il existe toujours peu de littérature sur le sujet. Dans notre société, parler de la ménopause reste tabou. A l’époque où le rôle de la femme était essentiellement reproductif, le fait de ne plus pouvoir faire d’enfant était assimilé à la fin de l’utilité sociale. Autrement dit, à la mort. Bien sur, ce raccourci ne correspond plus à aucune réalité aujourd’hui : après la ménopause, l’espérance de vie moyenne est de 35 ans ! Et le désir de vivre et de plaire reste intact longtemps après… Pour autant, les préjugés ont la vie dure…

Les traitements de substitution hormonale pour limiter les effets secondaires de la ménopause ont pourtant bien progressé ces dernières années, preuve qu’on s’intéresse enfin au sujet…

C’est vrai. Mais en limitant la prise en charge des femmes à ces traitements médicaux, on passe à côté de l’essentiel. D’ailleurs, la ménopause n’est pas une maladie ! A cette étape de la vie, ce qui se joue est plus large – et plus effrayant. De nombreuses femmes ne se reconnaissent plus. Certaines éprouvent même de la culpabilité. Elles doivent affronter seules des changements physiologiques et psychologiques qui les bouleversent. Elles ont besoin d’une écoute bienveillante et de conseils. C’est ici que peut intervenir l’esthéticienne. Nous avons le temps. Nous avons les outils pour proposer un accompagnement global. Nous avons un rôle à jouer – pour prévenir, rassurer et proposer des soins – à condition, bien sûr, de bien comprendre les besoins de ces clientes.

Peut-on (vraiment) parler d’un marché à conquérir ?

D’abord, on est loin du marché de niche : 42 % des françaises ont plus de 50 ans actuellement. Et le nombre de femmes âgées de 60 ans et plus va augmenter de 68% dans les dix années à venir. Or, ces femmes veulent bien vieillir et n’hésitent pas à se faire plaisir. Et elles ont généralement un panier de dépense plus élevé que la moyenne des clientes plus jeunes. Il s’agit donc d’un véritable axe de développement pour l’institut !

Quelles sont les spécificités de cette tranche d’âge ?

On parle de femmes qui sont actives et veulent continuer d’être belles et de s’habiller à la mode. Il y a un véritable décalage entre leur âge « perçu », la façon dont elles se voient, et leur âge réel. Or, elles ne veulent pas voir ce décalage dans le miroir. Aujourd’hui dans ma clientèle, j’ai des femmes qui ont dépassé 70 ans et qui restent très attentives à leur apparence !

A quelles problématiques l’esthéticienne est-elle confrontée avec ces clientes ?

A la ménopause, le corps change. A partir de cinquante ans, par exemple, une femme perd 1% de masse musculaire tous les ans. La ceinture abdominale s’épaissit et il est courant de prendre quelques kilos, même si on n’a pas changé pas de régime alimentaire. Ce processus est naturel, mais cela ne signifie pas qu’on ne peut rien y faire. Souvent, l’esthéticienne est également confrontée à des problèmes de circulation, des problèmes inflammatoires. Et, bien sûr, la peau change. On parle beaucoup des rides et du contour du visage. Mais il y a d’autres sujets. Avec les bouleversements hormonaux, beaucoup de femmes ressentent une sécheresse cutanée qu’elle ne connaissaient pas. Certaines peuvent même avoir de l’acné ! Enfin, on reçoit souvent des clientes stressées. Elles ont des vies très remplies, un rythme intense, un travail prenant, des responsabilités… C’est aussi une donnée à prendre en compte.

Quelle prise en charge l’esthéticienne peut-elle proposer ?

Tout dépend de ce qu’exprime la cliente. La parole est essentielle. Il faut commencer par écouter et dédramatiser, faire comprendre que ce qu’elle traverse est normal. La cliente attend que l’esthéticienne soit une force de proposition et lui apporte une solution globale pour améliorer son bien être et traiter ses problèmes spécifiques. Nous disposons aujourd’hui de nombreux outils pour cela.

La technologie est-elle indispensable ?

La technologie permet à l’esthéticienne d’avoir un large éventail d’outils performants pour traiter toutes les problématiques liées à l’anti âge, mais aussi le volet bien être. Certains de ces soins sont totalement mains libres, ce qui apporte un gros plus en termes de rentabilité pour l’institut. Pour la silhouette, il faut travailler en priorité la chute des formes. Même si une cure minceur est nécessaire, déstocker ne suffit plus. La technologie nous apporte des soins cabine très performants pour tonifier la silhouette, comme l’EMS (stimulation musculaire). Pour le visage, on peut également combattre le relâchement cutané avec la radiofréquence. Enfin, les saunas infrarouges et les cocons secs sont intéressants pour agir sur la détoxification, la récupération, la relaxation et le sommeil. Tout en stimulant la régénération cellulaire, les leds seront également très performantes pour améliorer le bien être. En complément, on peut recourir aux lunettes Psio ou aux casques Boa, qui immergent la cliente dans une séance de relaxation inspirée de la sophrologie.

Et du côté de la cosmétique, l’offre est-elle adaptée ?

Pratiquement toutes les marques cosmétiques disposent d’une gamme anti âge. Ce qui est moins courant, ce sont des produits spécifiquement adaptés aux problèmes rencontrés à la ménopause, comme l’inconfort cutané. Pour de nombreuses femmes, les crèmes classiques ne suffisent pas pour combattre efficacement la sécheresse. Lors du colloque, j’ai invité la fondatrice de l’unique marque Ekia qui a créé trois crèmes correspondant aux trois phases de la ménopause.

Les marques ont-elles encore du mal à communiquer envers cette cible ?

Face au vieillissement de la société et aux changements de mentalités, les marques sont en train de se réinventer pour communiquer envers cette cible. Certes, cela prend du temps. Le marché de la beauté a encore du mal à se défaire du mythe de la perfection symbolisé par la jeunesse. Mais les choses bougent. Aujourd’hui, il devient de plus en plus courant de voir des icônes qui ont largement dépassé 50 ans. Certaines marques n’hésitent plus à mettre en avant des femmes imparfaites ou matures, avec des rides ou des rondeurs, comme dans la dernière campagne de Darjeeling. Ceci était encore inimaginable il y a quelques années en arrière !

Pour annoncer votre colloque, vous avez choisi une affiche au ton volontairement décalé…

Oui : l’idée était d’interpeller. Nous avons donc choisi le registre de la provocation, quitte à choquer… Pour autant, nous avons été surpris des réactions. Un magazine a refusé notre campagne publicitaire. Pour autant, notre démarche est tout à fait sérieuse ! Il s’agit d’organiser un colloque, c’est à dire de réunir un certain nombre d’experts autour d’un sujet. Cette forme d’événements, couramment proposée dans d’autres professions, n’existe pas dans l’esthétique. Nous l’avons organisé sur deux jours afin de se donner un vrai temps pour échanger entre esthéticiennes, de parler de nos difficultés, et de partager nos expériences.

 

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