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Une récente étude IFOP sur un échantillon de plus de 3000 consommatrices beauté a fait couler beaucoup d’encre. On y apprenait que presque la moitié des Françaises se maquillaient moins (ou plus du tout) depuis la crise sanitaire. Désaffection conjoncturelle ou évolution durable des mentalités ? Au-delà des chiffres, cette question nous renvoie au rôle du maquillage et à son histoire, qui remonte aux origines de l’humanité.

Non, le covid ne tuera pas le maquillage, qui a toujours existé d’aussi loin que l’homme se souvienne. Né durant la crise sanitaire, le hashtag « no make up » (pas de maquillage ») est cependant le marqueur de notre époque. Ce mouvement pourrait-il peser sur la reprise de la demande ? Alors que toutes les restrictions sanitaires se lèvent, estheticienne.pro analyse l’impact de la crise sanitaire sur le marché du maquillage.

Une année noire pour le maquillage

Entre 2020 et 2021, la vente de maquillage a enregistré un recul historique en France. S’il est difficile de trouver des chiffres concernant les instituts de beauté, les données enregistrées dans la grande distribution spécialisée et en parfumerie donnent une idée de la baisse inédite subie par les professionnels de l’esthétique.

Cependant, selon les produits, ce repli a été plus ou moins marqué. Ainsi, le maquillage des yeux a plutôt mieux résisté que les produits pour le teint, tandis que le rouge à lèvres s’effondrait. Certains produits et prestations pour les cils et sourcils ont même enregistré des pics d’achat.

Evolution des ventes de maquillage 2020/2019 en grande distribution (source : IRI)

Tous produits : -17.3 %

yeux  : -13.6%

teint : -18.6%

rouge à lèvres : -37.3%

En parfumerie, le maquillage est la catégorie de produits qui a le plus reculé : 35 % de baisse pour le maquillage, contre – 20 % pour l’ensemble de la parfumerie (source : NPD). Comme en grande distribution, la vente de rouge à lèvres a subi la plus forte baisse, chutant de moitié par rapport à 2019.

Impactée par les fermetures administratives et les couvre feux, à l’instar des instituts de beauté, la parfumerie a davantage souffert que la grande distribution. Mais elle a en partie rattrapé le manque à gagner en misant à fond sur la vente en ligne. Poussée par le marketing digital dynamique des grandes enseignes, le e-commerce des produits de maquillage a ainsi bondi de 50 % en seulement un an, compensant à hauteur de 18 % les recettes perdues durant les périodes d’inactivité.

L’arrivée du mouvement no make up

L’étude IFOP menée fin 2020 explique ces mauvais chiffres : durant l’année covid, la moitié des consommatrices beauté ont purement et simplement renoncé à se maquiller. Cette étude permet également d’analyser les changements de comportements durant la crise sanitaire.

Quelles sont les raisons invoquées par les sondées pour ne plus se maquiller ?

En fait, la plupart des motifs semble liée aux changements de vie qui ont été imposés. Ainsi, le port du masque est cité par une Française sur trois, qui se plaint des traces laissés par les produits de maquillage. Pour éviter ce désagrément, la moitié des femmes ayant continué à se maquiller ont changé leurs habitudes, renonçant au rouge à lèvres, et dans une moindre proportion, au fond de teint.

Le télétravail a également joué un rôle prépondérant pour 44% des femmes interrogées. Pourquoi s’apprêter pour rester à la maison ? Cette question soulève le rôle de la pression sociale qui s’exerce plus ou moins fortement dans le cadre du travail. Interrogée par le magazine Psychologies, Amélia Lobbé, psychologue et auteur de l’ouvrage « L’estime de soi », explique ce phénomène : « Le milieu professionnel demeure un endroit où les femmes sont soumises au regard des autres, qu’il s’agisse des supérieurs, des collègues ou de la clientèle. C’est un lieu où il faut être performante, où la concurrence est rude et où il faut avoir l’air dynamique. Or, nous ne sommes pas égales devant le temps qui passe et la fatigue : le maquillage peut aider à avoir bonne mine, même quand on est très fatiguée et que l’on doit aller travailler tous les jours. »

Même pour celles qui ont continué de travailler à l’extérieur, l’absence de sorties et de rassemblements amicaux a créé un repli dans la sphère privée, lieu de l’intime, du naturel et de l’authenticité. Libérée de l’obligation de paraitre, de nombreuses femmes ont alors considéré que le maquillage était devenu superflu dans leur quotidien.

Par ailleurs, dans un contexte où la plupart des libertés étaient supprimées, ne pas se maquiller a pu apparaitre comme la suppression bienvenue d’une contrainte quotidienne. Le même phénomène s’est d’ailleurs observé chez les hommes qui ont abandonné le rasage journalier. A un moment où la santé occupait tous les esprits, certaines personnes ont revendiqué de « laisser respirer leur peau », d’autant que 60 à 70 % de la population affirme avoir une peau « sensible ».

La période Covid a aussi généré un regain d’adhésion à des valeurs comme consommer « mieux » et « plus sain ». Qu’il s’agisse d’alimentation ou de beauté, de nombreuses consommatrices ont alors cherché à utiliser moins de produits potentiellement mauvais pour la santé et/ou l’environnement.

Finalement, prôner la beauté naturelle est devenu « la » tendance de l’année covid.

Sur internet, le hashtag « no make up » (pas de maquillage) a connu un véritable succès. Prenant à rebours les codes esthétiques très travaillés d’Instagram, de nombreuses influenceuses ont alors publié des photos sans maquillage, jusqu’à Kim Kardashian (pourtant égérie de sa propre marque, et jusqu’ici adepte d’une beauté très glamour). L’authenticité est subitement devenue à la mode, tout comme le mode de vie à la campagne. Lors d’une étude menée par Kantar, 8% des femmes sondées ont reconnu avoir abandonné tout maquillage en voyant des célébrités poser sans fard sur les réseaux sociaux…

Doit-on en conclure que le Covid a durablement révolutionné le rapport des femmes à leur apparence ? Pas si sûr.

Le maquillage reste un vecteur de séduction et un marqueur social

Le maquillage est apparu dès l’origine de l’humanité. Les parois des grottes peintes par les premiers humains en témoignent. L’homme a toujours utilisé des artifices pour corriger et mettre en valeur ses traits selon les critères de beauté du moment, que ce soit pour séduire, effrayer ses ennemis ou impressionner.

De tout temps, le maquillage a également servi à indiquer la place occupée dans la société. Ainsi, certaines cultures réservaient l’usage de telle couleur ou de tel signe distinctif (comme le Khôl en Egypte) à une caste dominante (nobles, guerriers, scribes etc.). En Europe comme en Asie, l’usage de poudre très blanche servait par exemple à distinguer la haute société des travailleurs des champs, à la peau hâlée par le soleil.

Quelle est la représentation du maquillage de nos jours en occident ?

Même si le modèle d’un physique « naturel » progresse, le maquillage reste l’emblème de la féminité et de la beauté. Ainsi, 28.2 % des Français pensent qu’il est important pour une femme d’être toujours maquillée. Le naturel est d’ailleurs plus souvent un « nude » (naturel travaillé) qu’une absence totale de maquillage.

Interviewée sur France Info, la sociologue Camille Couvry pense qu’il faut relativiser la tendance « no make up », que certains média présentent comme un vaste mouvement de société. Les chiffres montrent en effet que cette mode concerne avant tout une catégorie de femmes de moins de trente ans, urbaines, et ayant suivi des études supérieures. Plus on monte dans la pyramide des âges, plus l’absence de maquillage en public est considéré comme du « laisser aller ». Une opinion également partagée par 44% des femmes ayant un niveau d’étude inférieur au bac.

Par ailleurs, le naturel reste lié à la vie privée. Deux femmes sur trois pensent que le maquillage est indispensable sur le lieu de travail.

Des signes de reprise

Les fabricants de maquillage auraient-ils encore de beaux jours devant eux ?

Pour Mathilde Lion, experte beauté chez NPD, le repli du marché du maquillage en 2020, constaté dans tous les pays touchés par le Covid, doit d’abord être relativisé : « La France ne s’en sort pas si mal, explique l’analyste. Elle fait mieux que l’Italie et l’Espagne. Seule l’Allemagne performe mieux. »

Interviewée par LSA, Marie Monod, directrice de la catégorie maquillage chez l’Oréal Grand Public France, observe aussi que dans tous les pays où la vaccination contre le Covid 19 est avancée, les signes de reprise sont encourageants. « En Israël et aux Etats Unis, le maquillage affiche des croissances extrêmement fortes, respectivement de +40% et +50%. » remarque -t-elle.

D’autres signaux sont positifs, comme l’intérêt que suscite le maquillage sur internet. « Les conversations sur les réseaux sociaux n’ont pas diminué, explique la directrice de l’Oréal, le nombre de requêtes autour du maquillage est toujours important, et il conserve une image positive. »

En 2021, les recherche concernant le maquillage « original » ont explosé sur Pinterest et Instagram, révélant un changement d’humeur du public.

Finalement, le maquillage ne reflète -t-il pas l’état d’esprit de la société ?

Si certaines femmes souhaitent indéniablement plus d’authenticité et de liberté dans leur quotidien, supprimer tout artifice reste un mouvement minoritaire. Alors que le monde commence à se libérer de la pandémie, la couleur devient même un symbole d’optimisme, de renouveau et de joie de vivre.

Les tendances maquillage de 2021 sont au teint « glowy » (éclatant), aux fards irisés surligné d’un trait de liner, et aux lèvres glossées. Retrouver l’envie d’être belle n’est il pas le meilleur antidote à la morosité des derniers mois ? Dans cette période de retour à une vie sociale « normale », il est important que les esthéticiennes accompagnent leurs clientes en leur présentant des nouveautés, en leur faisant à nouveau essayer des produits et en les aidant à se réapproprier leurs gestes beauté.

Et vous, que faites-vous dans votre institut pour relancer la vente de maquillage ?

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