Photos du 6ix B à Lyon.
A la manière des concept-stores importés des Etats Unis, ils sont à la fois des prestataires de services, des boutiques et des lieux de vie. Nés durant le covid, ces instituts de beauté hybrides ont repensé l’organisation du travail, de l’espace d’accueil ou de l’offre client en cassant les codes traditionnels. Qui sont ils ? Partis à l’assaut des grandes métropoles, annoncent ils un bouleversement durable du marché esthétique ? S’il est encore trop tôt pour le dire, il est cependant intéressant de se demander en quoi la nouvelle tendance des lieux de beauté hybrides peut inspirer les professionnels de l’esthétique. Décryptage.
Sommaire
La nouvelle tendance des lieux de beauté hybrides
Le mouvement a commencé par quelques salons de coiffure qui ont cherché à se diversifier au tournant des années 2000. A l’époque, il s’agissait surtout de vendre des manucures ou des poses de vernis aux clientes qui patientaient en technique. Ces prestations étaient généralement assurées à raison de quelques heures en fin de semaine. Seule la présence d’une table de manucure, dans un coin du salon, signalait ce service.
Puis sont apparus les concepts « coiffure-esthétique ». En réalité, il s’agissait encore, majoritairement, de salons de coiffure où on avait aménagé une cabine esthétique pour une salariée (dans le meilleur des cas) ou une free-lance. Où le patron était un coiffeur. Où les services beauté étaient souvent limités, faute d’investissement et de connaissance du marché par le dirigeant.
Dans ces établissements, aujourd’hui, les clients entrent dans un décor classique de salon de coiffure, avec fauteuils, affiches de coupes et bacs de shampoing à l’avant, tandis que la partie esthétique se trouve généralement reléguée à l’étage ou dans le fond du magasin. Là encore, bien souvent, esthétique et coiffure sont pratiquement gérés comme deux fonds de commerce, avec leurs espaces d’accueil séparés, leur clientèle, leur communication et leur fonctionnement propres. Même leurs horaires, souvent, ne coïncident pas. Et le chiffre d’affaires, encore une fois, reste essentiellement lié à l’activité coiffure.
Née plus récemment, la nouvelle tendance des lieux de beauté hybrides procède d’une stratégie différente.
Des établissements multi services
Tout d’abord, ces salons sont « nativement » hybrides : dès leur conception, il y a une véritable réflexion sur la synergie à créer entre plusieurs activités. En d’autres termes, ce ne sont pas des salons de coiffure hébergeant un institut de beauté en leur sein. Mais des établissement se présentant d’emblée comme « multi services », où l’on va se faire chouchouter des pieds à la tête. Indéfinissables, ils ne rentrent dans aucune case et ne s’interdisent rien.
Un positionnement de niche
Ces lieux de beauté hybrides s’adressent prioritairement à une certaine catégorie de clientèle : plutôt jeune, mixte, active, vivant au sein des grandes métropoles avec un bon pouvoir d’achat.
Comment s’y prennent ils pour séduire cette cible ?
Pour ces adeptes d’une consommation plus éthique, l’achat doit avoir du sens. Ils ont une prédilection pour les produits bio, la clean beauty et les marques cosmétiques « authentiques » qui ont une histoire à raconter. Il adhèrent aussi à un mode de vie plus festif et plus connecté que la moyenne de la population.
Si la décoration pointue, les horaires tardifs et les marques de niche font partie du must-have dans les lieux de beauté hybrides, la véritable différence avec les instituts de beauté se situe dans leur définition du bien-être offert à la clientèle.
Ici, il ne s’agit pas de se ressourcer en profitant d’une pause zen dans l’intimité feutrée d’une cabine. Mais plutôt de se détendre en rencontrant du monde. Pour cela, les lieux de beauté hybrides sont conçus en espaces ouverts, propice aux échanges. Et quand un institut de beauté devient un lieu où on vient pour socialiser, forcément, cela change tout.
Le 6ix B à Lyon
Pour illustrer la nouvelle tendance des lieux de beauté hybrides, direction le 6ix B, à Lyon, que nous avons choisi pour son concept particulièrement original. Beauté, Bar, Barber, Before, Brush, Boutique sont les six « B » qui résument ce lieu multifacettes. Son nom rend aussi hommage à la ville de Toronto (surnommée the « 6ix »), qui a inspiré le fondateur Max Cammarano. L’idée ? Un lieu « feel good » de 250 mètres carrés sur deux étages, où l’on vient autant pour les prestations beauté que pour passer un bon moment.
Un concept qui brouille les codes
En pénétrant dans le 6ix B, on peut se demander où on est : bar à ongles, ou bar tout court ? L’établissement s’ingénie à brouiller les repères.
Inauguré en octobre 2021, le 6ix B s’adresse à une niche de trentenaires actifs, hédonistes et branchés vivant dans l’hyper centre de Lyon. Et qu’il s’agisse de l’offre, de l’ambiance ou du décor, tout a été prévu pour cette cible qui ne se retrouve pas forcément dans les codes classiques de l’institut de beauté.
Ici, pas de déco girly. Même si la clientèle est surtout féminine, le lieu se veut également accueillant pour les hommes. Entre couleurs tendance et matériaux nobles, l’ambiance est cosy, chaleureuse et très « instagrammable ». Le mobilier design côtoie quelques objets régressifs comme l’emblématique nounours géant – histoire de montrer qu’ici, on ne se prend pas (trop) au sérieux. Mais ce qui plaît par dessus tout, c’est une antique baignoire à pieds, remplie de balles multicolores, où de nombreux clients plongent sans complexes le temps d’une photo. Une excellente incitation à promouvoir le lieu sur les réseaux sociaux…
A lire les commentaires élogieux sur internet, on comprend que le fondateur mise autant sur la qualité de l’accueil que sur les prestations pour fidéliser la clientèle. Le concept ? Que le client se sente « comme à la maison ». Et reste.
Contrairement à l’institut de beauté classique, où on vient pour un soin, la proposition novatrice du 6ix B est en effet de proposer un moment de socialisation en plus de la prestation, qu’on soit seul, en couple, ou à plusieurs.
Manucure/pédicure, coiffure, maquillage, soin du visage, microblading, massage crânien et barber : si l’offre beauté du 6ix B est étendue, la pièce maîtresse de l’établissement est donc aussi le bar, où, à toute heure de la journée, on vient papoter en consommant boissons et gourmandises sucrées salées. Tapas et sushis sont préparés sur place à la pause déjeuner. Et la carte de l’établissement propose même d’y célébrer des enterrements de vie de jeune fille ou des baby showers (fêtes prénatales à la mode).
Des horaires étendus
Les horaires ont également été pensés pour satisfaire une clientèle de centre ville qui consomme le soir. Au moment où la plupart des instituts de beauté traditionnels ferment leurs portes, les prestations beauté sont assurées tous les jours jusqu’à vingt deux heures au 6ixB. Et du jeudi au samedi soir, on peut même déguster des cocktails au bar jusqu’à une heure du matin, dans une ambiance lounge assurée par un DJ.
Si proposer des prestations beauté en after work commence à s’observer dans les grandes villes, le 6ix B a ainsi poussé l’idée beaucoup plus loin, jusqu’à se présenter comme un lieu hybride où on vient à la fois se faire beau/belle, discuter, et boire un verre en musique avant (éventuellement) de prolonger la soirée ailleurs (d’où le B de « Before »).
Décryptage
Alors que 75 % de la population vit seule en centre ville, créer un lieu convivial où se retrouver, à la façon d’un club privé, peut sembler une idée porteuse.
Certes, le mélange des genres n’est pas coutumier en France, où les commerces sont cloisonnés. Bien plus en avance que nous sur cette question, les américains appliquent cette recette à la perfection, n’hésitant pas à multiplier les activités récréatives dans les complexes commerciaux. Car plus on passe de temps dans un commerce, plus on est susceptible de consommer, surtout si l’on se détend. Le 6ix B comprend aussi une boutique où la clientèle va naturellement flâner pour trouver des cosmétiques pour la peau et les cheveux.
Ainsi, entre prestation, vente de produits et consommation au bar, on observe que chaque mètre carré est conçu pour générer du chiffre d’affaires. Au delà du concept marketing, s’agirait il aussi d’une question de rentabilité ? Force est de constater qu’aujourd’hui, le loyer commercial dans l’hyper centre des grandes métropoles coûte extrêmement cher. En étendant les horaires classiques ou en proposant plus de services, les concepts hybrides comme le 6ix B actionnent deux leviers : augmenter le panier moyen des clients et générer plus de chiffre d’affaires en réduisant les temps d’inactivité.
S’il est encore trop tôt pour annoncer un succès durable, ces nouveaux concepts esthétiques hybrides suivent une recette dont peuvent s’inspirer les esthéticiennes pour développer leur activité :
- identifier clairement sa clientèle cible
- partir de ses besoins pour élaborer une offre de services « à la carte », quitte à sortir des sentiers battus
- Faire de la qualité de l’accueil une priorité
- supprimer les mètres carrés qui ne rapportent rien
- trouver des moyens d’augmenter le montant moyen dépensé par chaque client
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