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Quelles prestations peut-on exercer sans CAP esthétique ? C’est une des questions les plus posées sur le site estheticienne.pro. Car autant le dire d’emblée : vous ne trouverez aucune liste officielle nulle part. Comment suivre la prolifération de spécialisations et de nouvelles technologies de soins ? La loi qui encadre la profession date de 1996. Elle fixe des principes généraux, les pouvoirs publics se contentant d’intervenir lorsque la santé du public leur semble en jeu ou qu’une action est intentée pour obtenir une position officielle.

Rappelons le, l’esthétique constitue une activité artisanale réglementée, dépendante de la Chambre des Métiers.

Il appartient donc aux créateurs d’entreprises souhaitant se lancer sans CAP esthétique de bien s’informer avant de construire leur carte de soins. En effet, selon la Loi du 5 juillet 1996 (consultable en bas de l’article), seules les esthéticiennes diplômées d’état ont l’autorisation d’exercer ce métier en tant qu’indépendant. Il existe toutefois quelques exceptions.

Prothésie ongulaire, beauté des mains, beauté des pieds : faut-il le cap esthétique ?

La prothésie ongulaire a été retirée du champ d’application de la loi en avril 2016. Autrement dit, depuis cette date, un indépendant qui entreprend dans les ongles n’a plus l’obligation d’avoir un CAP esthétique. Toutefois, son activité est strictement limitée à la pose de vernis (classique ou semi permanent), à la pose d’extensions (capsules ou chablons), au façonnage en gel ou en résine et à l’application de nail art et décorations.

En revanche, la manucure ou la beauté des pieds lui sont strictement interdites.

Seule la dépose de vernis ou de gel est autorisée aux techniciennes n’ayant pas le CAP esthétique. Ainsi que le détaille Martine Bérenguel, Présidente de la CNAIB, la beauté des mains ou des pieds, qui suppose l’application de produits cosmétiques (gommages, masques, crèmes, peelings), le travail des cuticules et le maniement de la râpe, restent strictement réservée aux esthéticiennes diplômées d’état. Pour immatriculer toute prothésiste ongulaire sans CAP esthétique, les chambres de métiers exigent d’ailleurs un engagement sur l’honneur à ne pas pratiquer de manucure.

Epilation, dépilation : faut-il le cap esthétique ?

Par l’arrêté de 1962, l’épilation par arrachage du poil, cœur de métier de l’institut de beauté, est strictement réservée aux esthéticiennes diplômées d’état, quelle que soit la méthode. Si l’arrêté cite nommément la cire ou la pince à titre d’exemple, il est évident que l’épilation au fil, plus récente, est également concernée puisqu’il y a bien arrachage du poil.

Qu’en est-il de la dépilation, qui consiste à utiliser des appareils à lampe flash ? Depuis un arrêté du Conseil d’Etat de 2020 mettant fin à une longue bataille juridique entre médecins et esthéticiennes, l’épilation par lumière pulsée n’est plus interdite aux instituts de beauté. Retardé par le Covid, le décret d’application est annoncé en 2022. Selon la CNAIB, devrait notamment figurer l’obligation d’être diplômée du CAP esthétique et de suivre une formation spécifique complémentaire.

La pratique de l’épilation et de la dépilation est, et restera, totalement interdite aux personnes non diplômées.

Esthétique du regard : faut-il le cap esthétique ?

De la même manière que la pose d’extensions de cheveux n’est pas réservée aux coiffeurs, l’extensions de cils n’est pas le monopole des esthéticiennes diplômées d’état. Il s’agit toutefois d’une exception, selon la porte-parole du syndicat professionnel des esthéticiennes.

Un faux cil n’est pas un produit cosmétique mais une « prothèse » synthétique et externe, même s’il faut utiliser une colle pour le poser.

« Il n’en va pas de même d’autres prestations comme le rehaussement, la teinture de cils et de sourcils, ou les colorations aux hennés, qui font partie du référentiel du CAP esthétique » explique la Présidente de la CNAIB. Elle rappelle également que les prestations supposant une épilation, comme la restructuration de sourcils, sont formellement interdites aux personnes non diplômées.

Pigmentation, maquillage permanent, microblading : faut-il le cap esthétique ?

Tout comme le tatouage, la pigmentation esthétique, qu’elle soit manuelle ou réalisée avec un appareil, n’est pas réservée aux esthéticiennes diplômées d’état.

La seule obligation qui incombe pour exercer est d’assister à la formation obligatoire «hygiène et salubrité ».

Blanchiment dentaire : faut-il le cap esthétique ?

Commençons par un rappel important : tout soin ou intervention à l’intérieur de la bouche constitue un acte médical.

Seule la vente de produits de blanchiment dentaire (conformes à la réglementation CE) n’est pas réservée aux médecins – sachant que rien n’empêche le client de « consommer » sur place ces produits. Dans ce cas, il doit lui-même les placer en bouche.

La commercialisation de produits de blanchiment dentaire n’est pas réservée aux esthéticiennes. On en trouve d’ailleurs dans toutes sortes de points de vente y compris en supermarché. Il appartient aux professionnels, diplômées ou non, de ne pas franchir la ligne rouge du médical en ne touchant pas la bouche des clients et en s’assurant de ne proposer que des produits autorisés à la vente en France, où la législation peut être différente d’autres pays. La plus grande prudence s’impose. Gare aux produits achetés sur internet !

Bronzage : faut-il le cap esthétique ?

Les centres de bronzage par solarium possèdent leur propre code d’activité, différent des instituts de beauté (9604Z). Nul besoin d’avoir un CAP esthétique pour gérer un centre de bronzage.

Qu’en est-il du bronzage par pulvérisation, qui consiste à appliquer un autobronzant pigmenté à l’aide d’un appareil diffusant de fines gouttelettes ? Tout autobronzant constitue un produit cosmétique. Aussi, le bronzage par pulvérisation peut être assimilé à un soin, réservé aux esthéticiennes.

Soins esthétiques visage et corps : faut-il le cap esthétique ?

Finissons par ce qui fait le plus débat : les soins visage et corps.

Le métier a beaucoup évolué ces dernières années. D’une part, à cause de l’émergence des nouvelles technologies, qui ont consacré les soins appareillés. D’autres part, en raison de la multiplication récente de prestations esthétiques qui n’existaient pas auparavant. Pas étonnant, donc, que la plus grande confusion règne.

Rappelons en préambule ce que dit la loi de 1996.

Elle exige un niveau minimum de qualification équivalent au CAP esthétique pour réaliser  » les soins esthétiques à la personne autres que médicaux et paramédicaux et les modelages esthétiques de confort sans finalité médicale. »

Le modelage est défini comme « toute manœuvre superficielle externe réalisée sur la peau du visage et du corps humain dans un but exclusivement esthétique et de confort ». Autrement dit, la définition légale du « modelage » va bien au-delà des massages de bien être et englobe tous les soins de beauté nécessitant de toucher la peau.

La loi précise aussi que « Cette manœuvre peut être soit manuelle (…), soit facilitée par un appareil à visée esthétique. »

En résumé, la loi de 1996 contient trois informations primordiales :

  1. Tout soin impliquant d’intervenir sur la peau du visage ou du corps dans un but esthétique est réservé par principe aux esthéticiennes
  2. Il est équivalent que ce « modelage » esthétique soit réalisé manuellement, ou avec un appareil esthétique
  3. Les soins assimilés à des actes médicaux ou paramédicaux sont interdits aux esthéticiennes, et a fortiori aux personnes sans diplôme d’esthétique

Si l’application de produits cosmétiques sur le visage ou sur le corps constitue une première ligne rouge pour les professionnels sans CAP esthétique, il en va donc de même de l’utilisation d’appareils visage ou corps revendiquant un résultat esthétique.

Par conséquent, font partie des prestations requérant au minimum un CAP esthétique :

  • Toutes les prestations visage ou corps supposant l’application de produits cosmétiques sur la peau : démaquillants, gommages et exfoliants, masques, serums, crèmes etc.
  • tous les soins ayant des revendications esthétiques telles que « minceur », « body contouring », « lifting ou raffermissement du visage », « coup d’éclat », « anti-tâches », « anti-imperfections », « anti-âge » ou « anti-rides », réalisés avec ou sans cosmétique, qu’ils soient manuels (modelages et assimilés) ou utilisant un appareil esthétique (palper rouler, rayonnement, radiofréquence, cryo-esthétique etc.)
  • Tous les modelages drainants « à visée esthétique et de confort » (attention aux termes employés, le drainage lymphatique étant réservé aux médecins), qu’il soit réalisé manuellement ou à l’aide d’un appareil (pressothérapie etc.). Les protocoles dérivés de la méthode « Renata Franca » (nom déposé) en font partie.

Sont aussi concernés les soins à la mode aux revendications clairement esthétiques, comme par exemple les protocoles s’inspirant de l' »hydra facial » (attention, ce terme en lui même est réservé à un appareil médical), le « derma planning » (autre nom d’une exfoliation visage), les rollers de toutes sortes etc.

Qu’en est-il des salariés – et notamment des apprenties qui ne sont pas encore diplômées ? Les salariées exerçant sous le contrôle effectif d’une esthéticienne diplômée d’état peuvent réaliser des prestations esthétiques, y compris appareillées – « effectif » signifiant toutefois que la personne n’est pas autonome et livrée à elle même en cabine.

D’où viennent les abus constatés aujourd’hui ? Selon Martine Bérenguel, Présidente de la CNAIB, il s’agit autant d’un manque d’information que de la confusion entretenue par certains centres de formations esthétiques qui n’exigent pas de prérequis au moment de s’inscrire. Ainsi, des professionnelles des ongles ou du regard sans aucun diplôme esthétique se lancent dans l’anti âge ou la minceur en toute bonne foi, au risque de se voir confisquer leurs appareils et de faire l’objet de poursuites pénales.

De même, il n’existe à ce jour aucune interdiction restreignant la vente de certains appareils à visée esthétique à des non esthéticiennes. En d’autres termes, la vente de matériel est libre, mais pas l’utilisation à titre professionnel. Un vide juridique qui pourrait bientôt être comblé par la mise à jour du cadre réglementaire français suite à l’entrée en application de la loi Européenne sur les dispositifs médicaux.

En attendant une possible rénovation de la loi qui apportera une clarification définitive, il appartient aux professionnels de la beauté de vérifier quelles sont les prestations autorisées et/ou encadrées.

Annexe 1 : Réponse du Secrétariat d’État, auprès du ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique, chargé du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Publiée dans le JO Sénat du 14/04/2016 – page 1587

Par l’article 16 de la loi du 5 juillet 1996, que complète le décret n° 98-246 du 2 avril 1998, le législateur a entendu garantir la compétence professionnelle des personnes exerçant des activités économiques pouvant présenter des dangers pour ceux qui les exercent ou pour ceux qui y ont recours, notamment « les soins esthétiques à la personne autres que médicaux et paramédicaux et modelages esthétiques de confort sans finalité médicale ». L’activité de « prothésie ongulaire » recouvre la réalisation d’actes à finalité esthétique et de rallongement de l’ongle, tels que la pose de faux ongles avec gel ou capsules, le façonnage résine et les décorations uniques, les comblages, les déposes, les décorations d’ongles et la pose de vernis classiques ou semi-permanents, qui ne doivent pas être considérés comme des soins esthétiques lorsqu’ils ne sont pas assortis de prestation de manucure. Par conséquent, l’activité de « prothésie ongulaire » non assortie de prestation de manucure n’est pas soumise à l’obligation de qualification professionnelle prévue par l’article 16 de la loi du 5 juillet 1996 et ne nécessite donc pas la détention d’une qualification d’esthéticien pour son exercice.

Annexe 2 : texte de référence de 1996 (consultable ici

 

 

 

 

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