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Depuis quelques années, certains métiers de la beauté ne se plus réservés aux esthéticiennes. Un effet d’aubaine pour les adultes en reconversion qui veulent rapidement lancer leur affaire dans le secteur de l’esthétique. Grâce au statut d’auto entrepreneur, ils peuvent s’immatriculer du jour au lendemain, sans diplôme et pratiquement sans investissement, en bénéficiant de cotisations sociales réduites. Si bien que de nombreux créateurs d’entreprises se posent la question : faut-il (encore) passer le CAP esthétique ?

De plus en plus de reconversions professionnelles sans CAP esthétique

L’esthétique suscite de nombreuses vocations tardives. En majorité des femmes, ces adultes présentent des profils divers : salariées dans l’administration ou le commerce, infirmières, aides-soignantes, employées de bureau, femmes au foyer… Leurs points communs ? Une image valorisante des métiers de la beauté. L’envie de s’occuper des autres tout en travaillant dans un milieu féminin et glamour – un argument que l’on retrouve notamment chez des professionnelles du secteur médical, fatiguées de côtoyer la maladie ou la souffrance. Pour certaines, il existe une vocation ancienne qui a été contrariée dans leur jeunesse, l’envie d’accomplir un rêve d’enfant. Souvent, le déclic survient lorsque leur parcours de vie est cassé par un licenciement, un divorce. L’entrée dans la profession s’ancre alors dans un nouveau projet de vie, avec l’idée de « tout changer ».

Leurs attentes sont doubles : s’épanouir dans un métier qui les fait rêver, mais aussi être indépendante. Car pour la plupart d’entre elles, il s’agit d’une première expérience dans la création d’entreprise.

Se reconvertir dans l’esthétique semble facile. En pratiquant à domicile, l’investissement de départ n’est pas très élevé, et certaines prestations sont accessibles sans prérequis. Dans une société où prédomine l’idée du « tout, tout de suite », passer le CAP esthétique est vu par certaines comme une formalité (inutile) à contourner. Ainsi, beaucoup de créations d’entreprise s’effectuent au terme d’une simple formation courte. Réelle opportunité ou miroir aux alouettes ?

Alors que le marché s’est mué en jungle, il est temps de rappeler que l’esthétique est un (vrai) métier – où il existe beaucoup d’appelés, et peu d’élus. Plus de la moitié des entreprises ferment avant le cap des cinq ans d’existence. Certes, passer un CAP n’est pas une garantie de réussite. C’est pourtant encore aujourd’hui, et peut être même plus que jamais, la première étape d’une carrière dans la filière esthétique. On vous explique pourquoi.

Pérenniser son activité

Née dans les années cinquante, l’esthétique fait partie des professions réglementées. Durant un demi siècle, la situation était claire et pouvait se résumer à la célèbre maxime de la CNAIB : « l’esthétique aux esthéticiennes ». Pour s’immatriculer à la Chambre des métiers, présenter un diplôme d’état était obligatoire.

Aujourd’hui, trois segments de marché font exception : la prothésie ongulaire, les extensions de cils et la dermopigmentation.

En clair, la plupart des prestations esthétiques sont réservées aux esthéticiennes diplômées d’état. C’est le cas, notamment, de l’épilation, des soins cosmétiques et des modelages esthétiques. Aussi, même si l’entrée dans le métier est facilitée, exercer sans CAP esthétique réduit toujours considérablement les possibilités d’évolution. Un véritable handicap pour pérenniser son activité à long terme.

Car il ne suffit pas de se lancer, encore faut-il durer…

Après quelques mois d’activité, le besoin de se diversifier se fait presque toujours ressentir. Soit par envie d’évoluer. Soit par nécessité économique. Etre « mono produit » constitue un facteur de fragilité pour toute entreprise. Lorsqu’on mise sur une seule prestation esthétique, il faut exceller à la fois dans sa pratique technique et dans sa communication pour développer une clientèle suffisante et tenir. De plus, la viabilité de l’activité peut être remise en cause au moindre retournement de situation : davantage de concurrence qui s’installe, une pression à la baisse sur les prix, une prestation qui devient moins tendance…

Des facteurs de risques qui ont toutes les chances de se concrétiser. Comparable à l’industrie de la mode, le secteur de la beauté est en perpétuel renouvellement. Il y a une prime à la nouveauté. Faute d’évoluer avec le marché, une professionnelle mono produit a donc de fortes chances de voir son chiffre d’affaires s’éroder.

Or, sans CAP esthétique, les possibilités de se diversifier sont limitées.

Si vous vous spécialisez, chaque cliente qui arrête de consommer l’unique prestation que vous proposez est une cliente perdue. Contrairement à l’institut de beauté, qui peut miser sur toutes sortes de soins. Et qui garde le monopole sur le service d’appel par excellence : l’épilation.

Quoi qu’en en dise, l’épilation représente encore aujourd’hui 50 % du chiffre d’affaires pour la plupart des esthéticiennes à leur compte. C’est à la fois un socle pérenne de trésorerie et une opportunité incontournable de revoir ses clientes tous les mois. Et donc, d’augmenter peu à peu leur panier moyen en les incitant à tester d’autres prestations.

L’expérience montre qu’il est toujours plus facile de vendre des prestations supplémentaires à une clientèle existante que d’être constamment en recherche de clientes nouvelles. Exclusivité des esthéticiennes, l’épilation est depuis toujours la base de leur fond de commerce. Un avantage dont ne bénéficient pas les professionnels qui choisissent de se passer du CAP esthétique.

Accéder aux prestations à forte valeur ajoutée

Fini l’à peu près dans les instituts. Aujourd’hui, les clientes ont de plus en plus de produits à disposition pour faire des soins basiques à la maison. Pour se différencier, les professionnelles de l’esthétique ont dû se repositionner comme des expertes de la peau, de la silhouette ou du bien être. Elles utilisent maintenant massivement les nouvelles technologies.

L’époque pas si lointaine où la pratique du métier était exclusivement manuelle appartient au passé. Depuis dix ans, la profession vit une incontournable mutation technologiques, sous l’effet conjugué d’une demande croissante de résultats et de l’arrivée de nouveaux appareils ultra performants.

Et cette révolution n’en est qu’à ses débuts.

Face à une population vieillissante et de plus en plus en surpoids, la demande de soins liés à l’anti âge et à la minceur est inexorablement vouée à augmenter. Avec la convergence imminente de l’intelligence artificielle, des objets connectés et du diagnostic assisté par ordinateur, le marché s’oriente vers des soins de plus en plus pointus, intelligents et personnalisés. Mais réservés aux esthéticiennes diplômées d’état.

Car pour protéger le consommateur, la législation se durcit.

Sauf à passer le CAP esthétique, il faudra donc renoncer à se positionner sur ce qui va représenter le plus gros marché des années à venir, avec des prestations plus rémunératrices que les soins traditionnels. 

Depuis mai 2021, une loi Européenne permet de classer « matériels médicaux » de nombreux appareils esthétiques. En cours d’adoption dans tous les pays de l’Union, elle va très prochainement renforcer les obligations en matière de formation.

Et ce qui se dessine à court terme, c’est que le CAP esthétique deviendra un prérequis pour accéder à des modules de spécialisation obligatoires – une obligation qui pourrait faire revenir le passage du diplôme (rapidement) à la mode.

Est-ce un hasard si la plupart des fournisseurs d’appareils ont développé de véritables centres de formation agréés Qualiopi ? Tous se préparent à la grande révolution réglementaire qui va les soumettre à des contraintes de traçabilité, qu’il s’agisse des matériels ou des compétences de leurs clients.

Autrement dit, la vente de certains matériels ne sera plus libre.

Si la liste exacte des technologies concernées n’est pas encore définitive, il y a fort à parier que les prestations à plus forte valeur ajoutée comme la cryo-esthétique, les courants induits, les ultrasons, la dépilation, etc., seront réservé aux esthéticiennes. Sans CAP esthétique, l’accès aux soins experts, vouées à prendre une part de marché de plus en plus importante, sera tout simplement impossible.

Pratiquer sereinement

Si beaucoup d’entrepreneurs s’interrogent sur les avantages de passer le CAP esthétique, c’est qu’il règne aujourd’hui la plus grande confusion. Peu formées, peu armées, la plupart des professionnelles sans diplôme national ont une totale méconnaissance du métier et de l’environnement réglementaire. En témoignent les incessantes interrogations postées sur les forums. Est-il possible, sans CAP, de pratiquer telle ou telle prestation ? D’utiliser tel ou tel appareil ?

Les dérives sont devenues fréquentes. C’est ainsi que des stylistes spécialisées dans les extensions de cils, une prestation pouvant être pratiquée sans diplôme, se diversifient peu à peu vers la teinture, la coloration au henné, le rehaussement ou la restructuration des sourcils (qui suppose une épilation) – qui font toutes partie du référentiel du CAP esthétique selon Martine Bérenguel, coprésidente de la CNAIB.

Il n’est pas non plus rare de voir des prestations assimilées à des soins visage et corps – avec ou sans appareil – proposés en toute illégalité par des professionnelles sans diplôme. C’est le cas notamment des dernières tendances à la mode comme le hyaluron pen (utilisé pour repulper les lèvres, désormais interdit), les rollers de toutes sortes (généralement associés à une cosmétique anti âge), le resurfaçage cutané copié sur la méthode médicale de « l’Hydra Facial » (assimilé à un soin cosmétique) ou le « Derma-Planning » (technique d’exfoliation du visage).

Récemment, l’affaire des injections d’acide hyaluronique pratiquées illégalement en appartement a fait scandale. Attribuées à tort à de prétendues « esthéticiennes », il ne s’agissait pourtant que d’une manifestation extrême de cette ubérisation du marché de la beauté : des prestations bradées (au regard des tarifs pratiqués en cabinets médicaux), pratiquées par des auto entrepreneurs plus ou moins déclarées, utilisant les réseaux sociaux pour se développer.

Foncer vers la dernière prestation à la mode n’est pas un projet d’entreprise et comporte des risques. D’autant plus si, pratiquant illégalement, parfois sans le savoir, on s’aperçoit (toujours trop tard) qu’on n’est pas ou mal assurée.

Dans une société qui évolue vers un renforcement du droit des consommateurs, il est probable que l’on verra ainsi de plus en plus de plaintes concernant des prestations esthétiques ratées ou illégales aboutir devant les tribunaux. Avec à la clé, des activités brutalement fermées, des peines pénales, des dommages intérêts. Et des vies qui se brisent.

Dans ce contexte, passer le CAP esthétique constitue un garde-fou minimum pour exercer sereinement, en étant armée contre les fournisseurs peu scrupuleux et les tentations de dérives.

Investir pour son avenir

Le taux élevé d’échecs qui frappe les indépendants de la beauté devrait inciter à s’engager avec une expérience de terrain solide et une parfaite connaissance technique.

C’est tout l’intérêt de l’apprentissage en alternance, qui reste la voie royale pour passer le CAP esthétique. Cette immersion en entreprise permet de pratiquer sous supervision, mais aussi d’apprendre les ficelles et de se former à la gestion d’entreprise, au marketing, à la communication. Pour celles qui prévoient de s’installer à leur compte, cette expérience de terrain est indispensable pour comprendre les difficultés du métier – et construire leur projet de façon plus réaliste.

A force de penser qu’on peut se lancer sans diplôme, aurait on oublié que l’esthétique est un véritable métier ? Que la création d’entreprise exige de multiples compétences ? De même que faire la cuisine chez soi ne prépare pas à tenir un restaurant, l’esthétique professionnelle n’a rien à voir avec la pratique des soins de beauté qu’on peut avoir à la maison.

Que sont quelques mois de formation comparés à l’enjeu de réussir une reconversion qui engagera vos prochaines années ? Il existe aujourd’hui de nombreuses solutions de financements et de formules adaptées aux adultes en reconversion. Pour celles qui ont démarré sans diplôme, la voie de la VAE (« Validation des acquis liés à l’expérience ») est également une piste à ne pas négliger.

Pour en savoir plus sur les prestations autorisées sans CAP esthétique, vous pouvez également consulter cet article : LIEN.

 

 

 

 

 

 

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