article estheticienne.pro (29)

Arrivée depuis environ quatre ans, la technique du Hyaluron Pen (ou Hyaluro Pen) est devenue très populaire auprès des consommatrices en quête de soins esthétiques à base d’acide hyaluronique. Ses avantages ? Pas d’aiguilles, un résultat bluffant pour regonfler les rides ou repulper les lèvres, et un coût bien plus modique qu’une injection en cabinet médical. Sans surprise, les stylos Hyaluron Pen ont donc conquis un grand nombre d’instituts de beauté.  Problème : l’ANSM vient d’interdire (provisoirement ?) leur importation et leur commercialisation. Sur quelle base se fonde ce retrait du marché ? Est-il définitif ? Comment va -t-il s’appliquer ? Au delà des questions que soulève la décision de l’ANSM, on peut aussi déplorer la difficile application de la loi sur l’ensemble du marché, comme l’a relevé estheticienne.pro. Explications.

Aucune plainte

En France, les médecins ont l’obligation d’informer les autorités sanitaires de tout effet indésirable provoqué par l’utilisation d’un cosmétique, d’un médicament ou d’un dispositif de santé. C’est en s’appuyant sur ces données que l’ANSM peut être alertée sur la dangerosité d’un produit, diligenter une enquête et ordonner son interdiction.

Ce n’est pas ce qui s’est passé pour le Hyaluron Pen : malgré des centaines de soins effectués chaque jour en institut, cette prestation n’a encore fait l’objet d’aucune plainte, ainsi que l’indique l’autorité de santé dans son communiqué. Le retrait du marché du Hyaluron Pen n’a donc pas été prononcé en raison d’effets secondaires signalés.

Reproche -t-on aux esthéticiennes de pratiquer un acte médical ? N’utilisant pas d’aiguilles, la technique du Hyaluron Pen consiste bien à effectuer une injection sous cutanée, ce que n’ont pas manqué de pointer certains médecins, dénonçant une pratique traumatisante, mal maîtrisée par les professionnelles de l’esthétique, et dont les effets à long terme pourraient être nocifs. Cependant, ce n’est pas non plus sur ces motifs, réels ou supposés, que repose l’interdiction de vendre les stylos Hyaluron Pens en France, qui est générale et s’applique même aux médecins.

La décision de l’ANSM résulte simplement de l’application du principe de précaution, pour un produit qui n’a pas fait l’objet d’une mise sur le marché conforme et pourrait être potentiellement dangereux pour le consommateur.

Sur quoi se fonde l’interdiction du Hyaluron Pen ?

Comme souvent dans la filière beauté, la technologie a devancé le législateur : il n’existe à ce jour aucune loi encadrant la pratique du Hyaluron Pen.

Si aucun incident n’a été à déplorer alors que la prestation est devenue courante, on peut en féliciter les centres de formation esthétiques, qui ont en quelque sorte « régulé » le marché en imposant des formations obligatoires, en plus du CAP esthétique. Néanmoins, certains vendeurs non professionnels se sont récemment emparés du marché, commercialisant librement les stylos, y compris auprès des particuliers. Dès lors, toutes sortes d’abus sont devenus possibles.

C’est finalement sur un défaut de procédure administrative que le Hyaluron Pen va être banni.

En effet, la récente législation Européenne sur les dispositifs médicaux (DM) permet à l’ANSM d’ordonner le retrait immédiat du marché de tout matériel esthétique non certifié – même en l’absence d’effets indésirables constatés. C’est ce qui est arrivé aux stylos Hyaluron Pen (ou Hyaluro Pens) – et qui pourrait prochainement toucher d’autres matériels esthétiques dans le collimateur des autorités, alors que l’entrée en vigueur de la loi sur les DM a été confirmée le 26 mai 2021.

Pour en savoir plus sur le sujet, lire cet article en complément.

Dans la liste des appareils esthétiques désormais classés « dispositifs médicaux », on trouve notamment les produits « destinés à effectuer un comblement pour la peau par voie sous cutanée ou tout autre mode d’introduction« .

Les stylos Hyaluron Pen (ou Hyaluro Pens), qui « propulsent » de l’acide hyaluronique à haute pression en passant la barrière de la peau, entrent bien dans cette catégorie – bien que n’utilisant pas d’aiguilles. Par conséquent, selon l’ANSM, leurs fabricants avaient l’obligation de les faire certifier par un organisme habilité avant d’effectuer leur mise sur le marché.

L’interdiction du Hyaluron Pen est-elle définitive ?

En théorie, non : il « suffirait » que les fabricants passent la certification pour que leurs stylos puissent être distribués en France – y compris dans les instituts de beauté.

Dans les faits, cette démarche longue, complexe et coûteuse, qui suppose des audits et des études cliniques, a cependant peu de chances de voir le jour – d’autant plus que la fabrication du Hyaluron Pen n’est pas réalisée dans l’Union Européenne.

Quelles conséquences pour les esthéticiennes ?

Si la commercialisation du Hyaluron Pen (et du Hyaluro Pen) doit s’arrêter, qu’en est-il des professionnels de l’esthétique déjà équipés ? L’ANSM précise que les esthéticiennes doivent stopper les soins : l’utilisation des stylos est désormais interdite dans les instituts de beauté – ce qui signifie par ailleurs qu’elle n’est plus couverte par aucune compagnie d’assurances. La prestation doit donc être retirée des cartes de soins et de toute publicité.

Cette consigne ne doit pas être prise à la légère. Les prescriptions de l’ANSM sont assimilées à des décisions de police. Les ignorer expose donc les contrevenants à des sanctions pénales (en plus de la confiscation de l’appareil) en cas de contrôles.

Vers un marché sauvage ?

Si la loi protège de plus en plus le consommateur, ce qui est plutôt une bonne chose, son application est de plus en plus challengée par les circuits de vente en ligne, qui passent plus facilement sous les radars. Les stylos dits « Hyaluron Pens » sont aujourd’hui proposés sur internet, sous différents packagings, par de nombreux fournisseurs. Pour s’en convaincre, il suffit de se rendre sur la plupart des market places – y compris Amazon où la recherche « hyaluron pen » conduit à pas moins de 154 résultats de produits (154 !!) à la date où cet article est écrit.

Va -t-on arriver à la situation ubuesque où la technique du Hyaluron Pen ne sera plus pratiquée par des professionnels du soin dûment formés, mais pourra être utilisée sans aucun contrôle par de simples particuliers ? Si la loi s’applique à tous en théorie, il n’en demeure pas moins que contrôler les instituts de beauté, qui ont pignon sur rue, reste objectivement plus facile que restreindre le commerce en ligne dont certains fournisseurs ne sont même pas domiciliés en France.

 

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter estheticienne.pro

L'information professionnelle décryptée chaque semaine.