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Le Conseil d’Etat remet en question la valeur juridique des fiches métier 

Des fiches métier sans valeur juridique ? Une étonnante décision du Conseil d’état, pourtant passée presque inaperçue, remet en question l’énorme travail accompli par les fédérations pour éditer les guides de bonnes pratiques sur le site du Ministère du Travail.

On se souvient du feuilleton à rebondissements qui avait mis à vif les nerfs des professionnels de l’esthétique : à la date de la réouverture officielle des instituts le 11 mai, les fiches métiers, tant attendues pour organiser la reprise d’activité, n’étaient toujours pas disponibles ! Devant le désarroi exprimé sur les réseaux sociaux, la CNAIB avait pris le parti de publier sur son site ce document co-signé par tous les syndicats, sans attendre le feu vert du gouvernement.

Finalement validé et mis en ligne fin mai par le Ministère du travail, le guide de bonnes pratiques de la filière esthétique se présentait comme ayant force de loi tant pour les instituts et spas que pour les professionnels à domicile. Or, cette affirmation vient d’être invalidée par la plus haute autorité juridique. En effet, le 29 mai, le Conseil d’Etat a rendu une décision en référé qui de fait, ôte toute valeur juridique aux guides de bonnes pratiques rédigés par les organisations professionnelles.

L’affaire est partie d’une association qui contestait l’interdiction d’utiliser des fontaines à eaux, émise par certaines fiches métier. Interrogé, le Conseil d’état a refusé de statuer sur le fond, répondant que les recommandations des guides pratiques avaient « pour seul objet d’informer les employeurs et salariés des travaux réalisés par les syndicats et organisations professionnelles » et « ne révélaient (par eux-mêmes) aucune décision d’approbation de leur contenu par l’administration ». Par suite, le Conseil d’Etat concluait que dispositions prévues par les fiches métier « ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, ni, par conséquent, d’une requête tendant à la suspension de leur exécution ».

En clair, selon le Conseil d’Etat, les fiches métier ne constituent ni une obligation légale, ni même une extension numérique du Code du Travail.

Dans les instituts et spas, les interdictions concernant certaines épilations (lèvres, maillot intégral avec sillon inter fessier) deviendraient donc de simples conseils et non des obligations, tout comme la fermeture des hammams et espaces humides. Il en irait de même pour les procédures de désinfection très détaillées ou les restrictions concernant l’accueil des clientes ou l’organisation de l’espace de vente.

Cette décision du conseil d’état est-elle un cadeau empoisonné pour les gérantes qui emploient du personnel ? Rappelons que tout employeur reste légalement responsable d’assurer la sécurité des salariés – ce qui, en période de pandémie, suppose d’informer les employés, de leur fournir des équipements de protection adéquats et d’organiser le travail de manière à prévenir la contamination.

A défaut de rendre les guides de bonnes pratiques obligatoires, la décision du Conseil d’Etat laisse donc le chef d’entreprise libre d’évaluer les risques liés à chaque situation de travail et d’établir un protocole de travail  propre à son établissement – sous réserve toutefois de respecter le « protocole national de déconfinement des entreprises ». Ce document, édité en date du 24 juin, est désormais le seul texte légal de référence. Il institue le port obligatoire d’éléments de protection individuels (masque, visière, sur-blouse, charlotte) lorsque une distance physique d’un mètre ne peut être garantie, le nettoyage fréquent des surfaces de contact dans la journée (poignées de portes, mobilier etc.) – mais sans en imposer le rythme, le nettoyage des sols une fois par jour, la mise à disposition et l’utilisation de gel hydroalcoolique, et l’aération des locaux au minimum toutes les trois heures.

 

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