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Le financement est le talon d’Achille de la réforme de l’apprentissage. Depuis 2018, les déficits se sont creusés d’années en années, atteignant le record de 4.6 milliards d’euros en 2022.

Face aux mesures qui s’imposent, un bras de fer s’est récemment engagé entre le gouvernement, les Chambres des Métiers et les syndicats. Si toutes les parties se félicitent des excellents chiffres de l’apprentissage, les avis divergent sur la méthode à employer pour stopper l’hémorragie budgétaire. De moins en moins enclin à mettre la main à la poche, l’état s’apprête à serrer la vis. Mais à qui ? Une décision vient de tomber.

La rançon du succès

Pour comprendre la dérive budgétaire actuelle, remontons un peu dans le passé.

Jusqu’en 2018, l’apprentissage était géré localement, et pour maîtriser son coût, les Chambres des Métiers imposaient un numerus clausus aux CFA. En clair, les places en apprentissage étaient limitées par le nombre d’écoles.

Avec la réforme, le financement de l’apprentissage est revenu à un organisme national créé pour la circonstance : France Compétence (également chargé de gérer le CPF). D’autre part, une totale liberté d’installation a été accordée aux CFA. En peu de temps, le nombre de centres de formations préparant aux diplômes d’état est monté en flèche.

En effet, les embauches ont suivi le mouvement, dopées par de nouvelles aides aux entreprises. Depuis 2020, l’état distribue 8 000 euros à l’arrivée d’un apprenti (5000 pour un mineur).

Le résultat a été à la hauteur des attentes. Le nombre d’apprentis a triplé entre 2017 et 2022, atteignant le chiffre de 900 000. Un véritable succès pour l’emploi et le développement de compétences attendues sur le marché du travail.

Seul problème : les cotisations des entreprises, censées financer la formation à travers la taxe d’apprentissage, n’ont pas augmenté. Elles ont même mécaniquement baissé suite à la moindre activité durant la crise sanitaire, alors que les dépenses explosaient (+ 44% en 2020).

La fin du quoi qu’il en coûte

Victime de son succès, la réforme de l’apprentissage a donc engendré une situation financière intenable pour les finances publiques, doublement mises à contribution pour renflouer France Compétence et pour subventionner les entreprises qui embauchent. Plusieurs fois repoussées en raison de la pandémie, les mesures correctives étaient donc vouées à ressortir du placard. Depuis quelques semaines, la Cour des Comptes exige que cesse la politique du guichet ouvert.

Mais comment revenir à l’équilibre budgétaire sans casser la dynamique enclenchée ? L’alternance constitue le fer de lance de l’actuelle politique anti chômage du gouvernement, qui ambitionne de faire entrer dans la vie active tous les jeunes sans qualification.

L’objectif affiché est d’atteindre prochainement le million d’apprentis.

Les options sur la table

Parmi les solutions avancées, la Cour des Comptes a proposé de taper partout, en réduisant à la fois le taux de prise en charge accordé aux CFA et les subventions à l’embauche pour les entreprises, tout en supprimant les exonérations de taxe d’apprentissage dont bénéficient certains employeurs (associations, mutuelles…).

De son côté, l’U2P plaide pour que les aides à l’embauche soient réservées aux petites entreprises (- 250 salariés). La fédération qui représente les entreprises de proximité du commerce et de l’artisanat (à laquelle adhère notamment la CNAIB) souhaite également que l’état cofinance les formations dispensées en CFA, arguant du « délestage » d’élèves dont bénéficient les lycées publics depuis la création de CFA supplémentaires.

Le Medef est allergique à toute augmentation de la taxe d’apprentissage, pointant le contexte économique qui se tend.

Quant à l’association des directeurs de CFA, il va sans dire qu’elle est vent debout contre toute baisse de prise en charge du coût des formations en plein milieu d’année, alors que les budgets des CFA ont déjà été établis pour 2022.

C’est pourtant cette dernière option qui se dessine.

Les CFA sous pression

Si les Chambres de métiers ne tiennent plus les cordons de la bourse, ce sont elles en revanche qui établissent les fameux « coûts-contrats » de chaque branche – soit le montant alloué par France Compétence pour financer la formation d’un apprenti. Une fois fixée, cette allocation budgétaire est identique pour tous les CFA de France.

Or, selon une information révélée par les Echos, France Compétence aurait constaté que les coûts réels remontés par les centres de formation seraient 20 % inférieurs aux coûts-contrats fixés par les branches professionnelles. 

Cette annonce a aussitôt été contestée.

L’U2P critique « une fausse bonne piste », pointant que les informations seraient « peu fiables et contestables », le calcul se basant sur les chiffres de 2020, biaisés en raison du confinement. De leur côté, les Chambres de métiers s’inquiètent d’une « logique purement comptable », qui menace d’assécher le marché alors que les entreprises ont déjà du mal à recruter.

Une baisse des subventions en deux temps

Face à la bronca, l’état a tranché pour une solution en deux temps.

Les financements accordés aux CFA subiront une première baisse de 5 % dès le 1 er septembre 2022, avant un autre coup de rabot au printemps 2023. Le montant de cette nouvelle baisse, qui atteindra 5 % maximum, sera cependant affiné selon les remontées comptables 2021 des CFA.

En tout, le gouvernement vise ainsi 800 millions d’économies.

Les aides au recrutement d’apprentis prolongées « au moins » jusqu’en 2023

Résolu à soutenir l’emploi dans un contexte économique qui se tend à nouveau avec l’inflation, le gouvernement a choisi de soutenir les entreprises.

Il n’y aura donc pas d’augmentation de la taxe d’apprentissage, actuellement fixée à 1.23 % de la masse salariale en dessous de 11 employés.

Autre bonne nouvelles pour les instituts de beauté qui embaucheront à l’automne : les aides pour recruter une apprentie, qui devaient s’arrêter en juin, seront prolongées « au moins jusqu’à fin 2022 » selon l’actuel Ministre du Travail.

 

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