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Depuis plusieurs mois, des rumeurs annoncent la fin des formations esthétiques finançables à 100% par le compte personnel de formation, invitant les esthéticiennes à dépenser leur solde disponible avant l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi. Info ou intox ? Voici ce que prévoit un nouvel article du Code du Travail.

Se former toute la vie

Ouvert aux indépendants, salariés et chômeurs, le compte personnel de Formation est parti d’une idée simple : pour rester « employable » dans un monde changeant, chaque actif doit actualiser ses compétences, se reconvertir, ou valider des acquis tout au long de sa vie professionnelle.

Par rapport aux dispositifs qui l’ont précédé, comme le CIF et le DIF, le CPF fonctionne comme un compte d’épargne en euros, qui peut être utilisé directement pour payer (en euros) des formations sur le portail moncompteformation.fr, sans avoir à solliciter l’accord préalable d’un organisme ou de son patron. Un véritable outil d’émancipation pour les salariés, qui reçoivent un crédit de 500 euros par an, cumulable jusqu’à 5000 euros (800 euros par an et 8000 euros en tout pour les personnes dont le diplôme est inférieur au bac).

Succès et dérives

Depuis 2019, le CPF a rencontré un immense succès, comme en témoignent ces chiffres :

  • plus de 4.5 millions de dossiers financés (montant moyen : 1334 euros)
  • 6 milliards d’euros dépensés
  • environ 39 millions de titulaires

Hélas, cette popularité a aussi ouvert la porte à certains abus, et l’esthétique n’est pas épargné…

Attirés par la manne financière du CPF, les centres de formation (plus ou moins sérieux) se sont multipliés, dont certains ne respectaient pas les critères obligatoires pour s’inscrire sur la plateforme…

D’autres organismes se sont spécialisés dans des pratiques commerciales douteuses, voire de véritables arnaques… Qui n’a jamais reçu de sms l’alertant sur l’expiration prochaine de ses droits à formation ? Ce démarchage agressif s’apparente parfois à de la vente forcée. Pire : sous prétexte d’offrir un « bilan personnalisé » à leurs victimes, certaines entreprises malhonnêtes arrivent à soutirer des informations sensibles (identité, adresses mail etc.), s’en servant ensuite pour monter des dossiers de financement totalement bidon.

Un assainissement des pratiques nécessaire

Alertés par la multiplication des abus, les opérateurs publics ont entrepris d’assainir le marché.

Pour commencer, fin 2022, une importante campagne de vérification a été menée afin de vérifier que les formations esthétiques proposées sur l’application moncompteformation.fr étaient bien éligibles aux financements. Pour rappel, seules les formations sanctionnées par un titre ou une certification sont éligibles au CPF – ce qui englobe les CQP, la VAE et les formations inscrites officiellement au Répertoire Spécifique ou au RNCP. De plus, depuis 2021, le centre de formation doit disposer d’un agrément Qualiopi obligatoire.

Deux conditions que certains centres de formation ne respectaient absolument pas, profitant du fait qu’ils pouvaient s’inscrire sur la plateforme sans aucun contrôle. Ainsi, dans l’esthétique, on pouvait par exemple acheter certaines formations non certifiantes en esthétique du regard ou en prothésie ongulaire, qui attiraient un abondant public en quête de reconversion professionnelle.

Si un certain assainissement était nécessaire, la période de transition a été difficile à vivre sur le terrain. Ainsi, de nombreux organismes de formations, y compris parmi les plus sérieux, se sont vues délistés du jour au lendemain, le temps d’être officiellement référencés. Par ailleurs, certaines demandes de financements n’ont pas été honorées ou remises en cause, quand elles avaient déjà donné lieu à versement…

En plus d’éliminer les centres de formations non éligibles, une loi consacrée au CPF, votée fin 2022, a apporté de nouvelles dispositions pour limiter les dérives commerciales.

Ainsi, tout démarchage des titulaires de comptes CPF par téléphone, sms, mail ou via les réseaux sociaux est désormais interdit. Un contrôle accru pèse également sur les centres de formation et s’étend aux formateurs sous-traitants, qui doivent maintenant respecter les mêmes obligations que les donneurs d’ordre (notamment : être agréés Qualiopi).

Enfin, des échanges systématiques d’informations entre les différents organismes publics qui gèrent et financent le CPF ont été mis en place pour lutter contre la fraude.

Responsabiliser le public

La grande nouveauté introduite par le CPF était de laisser les actifs gérer eux mêmes l’évolution de leurs compétences. Quatre ans après, cette idée a-t elle vécu ? Depuis quelques mois, des voix s’élèvent régulièrement, que ce soit au niveau du gouvernement ou de la Cour des Comptes, pour dénoncer des formations « plaisir », sans réelle plus value ou mal ciblées, dont le coût serait exorbitant pour la collectivité.

En réalité, les priorités politiques sont en train de s’adapter à l’évolution post covid du pays. Alors que le chômage n’a jamais été aussi bas depuis trente ans, l’employabilité des salariés devient moins urgente. En revanche, la fin du « quoi qu’il en coûte » est une nécessité au vu de l’explosion de la dette nationale… Aussi, la tentation de réduire les dépenses non essentielles se fait de plus en plus forte.

Désormais, l’état veut s’assurer que les formations choisies dans le cadre du CPF s’inscrivent réellement dans un projet professionnel solide : montée de compétences, changement de poste, reconversion. Et pour s’en assurer, l’objectif est de responsabiliser les salariés en instituant un reste à charge.

Bientôt un reste à charge à payer sur les formations esthétiques éligibles au CPF ?

Le nouvel article L6323 du Code du Travail stipule que « le titulaire (du CPF) participe au financement de la formation « , quel que soit le solde disponible sur son compte et le montant de la formation.

Si le principe général d’un reste à charge est bien posé, les modalités d’application, elles, restent floues. Concrètement, que va -t on devoir payer pour une formation CPF et à partir de quand ? Le même article du Code du Travail précise plus loin que « cette participation peut être proportionnelle au coût de la formation, dans la limite d’un plafond, ou forfaitaire ». Autrement dit : il revient à l’état de définir à partir de quand, et de quelle manière, les actifs seront amenés à mettre la main à la poche.

Or, depuis quelques mois, le décret attendu n’est toujours pas publié… Raison pour laquelle de nombreuses esthéticiennes reçoivent des messages les pressant de solder le solde de leur CPF tant qu’il est (encore) possible de se former « gratuitement »…

Un changement imminent ?

Peu populaire, l’idée de faire participer les actifs au coût de la formation a été vivement dénoncée par les syndicats comme une forme de régression sociale.

Dans le contexte social déjà explosif de la réforme des retraites, nul doute que les annonces ont été un temps mis entre parenthèses. Cependant, il pourrait en aller différemment à la rentrée.

Aujourd’hui, la principale inconnue est le montant qui sera demandé.

Le 9 mai 2023, Bruno Lemaire évoquait un reste à charge à hauteur de 30 % du montant de la formation, dans une interview sur France Culture. Celui-ci concernerait toutes les formations finançables par le CPF, y compris les bilans de compétences et la Validation de l’expérience.

Cependant, devant le tollé suscité, certaines exceptions seraient prévues. D’une part, pour les demandeurs d’emploi, qui ne seraient pas concernés par le reste à charge. D’autre part, pour les salariés qui bénéficieraient du soutien (y compris financier) de leur entreprise.

 

 

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