article estheticienne.pro (2) (7)

Entré en application en mai 2021, le règlement européen MDR prévoit la certification obligatoire de certains appareils esthétiques désormais classés « dispositifs médicaux » et la création d’une base de données européenne baptisée EUDAMED. Cependant, deux ans après son entrée en vigueur, la réalité peine à suivre sur le terrain.

Face à cette réalité, un nouveau règlement Européen vient d’assouplir les obligations des fabricants (UE 2023/607). Objectif : éviter la pénurie de certains produits médicaux qui pourraient être retirés du marché, faute d’être enregistrés.

Par ricochet, les appareils esthétiques vont profiter d’un sursis. Que prévoit le nouveau calendrier ? Quelles sont les obligations qui incombent aux esthéticiennes ? Estheticienne.pro fait le point.

Des causes multiples au retard

Lourdeurs administratives, complexité des dossiers, covid : les causes du retard pris par l’application du règlement Européen, adopté en 2017, sont multiples.

Les délais initialement annoncés se heurtent au déploiement de la base informatique d’EUDAMED, plus lent que prévu. Sur le terrain, toute possibilité de contrôle des appareils est donc compliquée, tout comme le suivi des incidents. Initialement, la Commission européenne avait prévu de rendre l’enregistrement dans EUDAMED obligatoire dans un délai de six mois maximum après que la plateforme soit officiellement déclarée « pleinement opérationnelle » (art. 34 du Règlement (UE) 2017/745). Actuellement, il n’existe toujours pas de visibilité précise sur cette date…

Le second point de blocage se trouve du côté des certificateurs, qui croulent sous les dossiers. En moyenne, chaque pays de l’Union dispose seulement de trois à quatre organismes disponibles pour 1000 fabricants – un nombre insuffisant pour absorber l’ensemble des demandes d’enregistrement dans les temps. D’autant qu’une validation peut prendre dix huit mois à deux ans…

Un assouplissement attendu

Pour éviter l’embolie du marché, le nouveau règlement Européen paru en mars 2023 prévoit deux dispositions :

  • Prolongation de la période de tolérance, jusqu’au 31 décembre 2027, pour les appareils faisant l’objet d’une demande de certification avant fin mai 2024 
  • Suppression de la date butoir de « fin de vente » pour les appareils non certifiés encore stock à cette date 

Attention : l’extension de la période de tolérance ne concerne que les fabricants en cours de certification. A l’inverse, ceux n’ayant entamé aucune démarche officielle ne bénéficieront d’aucun délai de grâce supplémentaire après mai 2024.

Tous les appareils encore en stock au mois de mai 2024, facture à l’appui, pourront toutefois être vendus sans limite de temps.

Quel risque court une esthéticienne qui utilise un appareil esthétique sans CE médical ?

Une esthéticienne qui a acheté un appareil esthétique sans CE médical avant l’entrée en vigueur du MDR ne court aucun risque, ni en cas de contrôle, ni vis à vis de son assurance professionnelle.

La loi est claire : les appareils pourront continuer à être utilisés en toute légalité dans les instituts de beauté, sans date limite.

Aujourd’hui, les organismes sont engorgés et de nombreux fournisseurs sont encore en cours de certification. Cela ne signifie pas que leurs appareils sont de mauvaise qualité ou vendus de manière illégale.

Les obligations des instituts de beauté concernant les appareils achetés après fin mai 2024 pourraient toutefois se renforcer. Lors de l’entrée en fonction du Portail Européen des cosmétiques, on se souvient que l’esthéticienne est devenue de fait responsable de vérifier la légalité des produits qu’elle utilise et propose à la vente. Selon le même raisonnement, il n’est pas impossible que l’absence de CE médical sur des appareils esthétiques achetés après fin mai 2024 et soumis à la législation du MDR ne lui soit pas reprochée.

Par précaution, il est conseillé, pour tout achat d’appareil effectué à partir du 1 er juin 2024, de demander au fournisseur de mentionner sur la facture :

  • soit que l’appareil ne rentre pas dans le champs d’application du MDR
  • soit que la certification CE Médical est en cours
  • soit que l’appareil vendu a été fabriqué avant mai 2024

Comment vérifier si mon appareil esthétique est bien enregistré dans EUDAMED ?

La responsabilité d’enregistrer un appareil dans Eudamed incombe aux fabricants, et non aux esthéticiennes, qui de toute façon n’ont pas de moyen de le vérifier. Ceci devrait changer lorsque la plateforme sera opérationnelle, puisque la base de données sera consultable en libre accès.

Si tous les appareils esthétiques ne sont pas concernés, les textes prévoient que le législateur puisse élargir à son gré la liste initiale des technologies concernées par le CE Médical, qui pourrait donc s’allonger.

En pratique, vous pouvez savoir si votre appareil est certifié en recherchant l’étiquette « CE Médical », qui doit également comporter un numéro d’enregistrement.

Une esthéticienne peut-elle utiliser tous les appareils esthétiques ayant le CE Médical ?

Non, le CE Médical ne constitue pas en soi une autorisation d’utiliser un appareil esthétique.

Dans les faits, de nombreux appareils esthétiques sont réservés aux médecins. Soit parce que la technologie elle même est interdite aux esthéticiennes (exemple, le détatouage au laser). Soit parce que l’appareil, bien qu’utilisant une technologie autorisée aux instituts de beauté, est configuré pour des applications réservées aux médecins (traitement des tâches pigmentaires, des lésions etc.).

Comment s’y retrouver ? Tout d’abord, en achetant vos appareils auprès de fournisseurs reconnus du marché.

De manière générale, quand une nouveauté arrive, il est conseillé de bien se documenter (y compris, au besoin, auprès de vos syndicats), d’interroger plusieurs fournisseurs, et surtout, de se méfier des effets de mode, des noms ronflants et des nouvelles technologies miracles, souvent proposées par des centres de formation ou des distributeurs auto proclamés professionnels, au destin parfois éphémère…

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter estheticienne.pro

L'information professionnelle décryptée chaque semaine.